l’exemple du projet de création d’une école à Darou Mbapp
By DIAW, Masse (Nioro du Rip, October 2008)
Darou Mbapp est un village de quelque 2500 habitants, situé dans la Communauté rurale de Ngayène, dans l’arrondissement de Médina Sabakh, département de Nioro du Rip, région de Kaolack.
L’arrondissement de Médina Sabakh est le moins scolarisé du département de Nioro du Rip. Et certaines localités comme le village de Darou Mbapp, ne veulent même pas entendre parler d’école où l’on apprend le français. Aucune école de ce type n’y est construite jusqu’ à ce jour.
Pourtant, selon l’ordre d’importance (économie, démographie, etc.), la localité est le 2ème village de la communauté rurale, qui compte 23 villages avec seulement 6 écoles existantes. A titre de comparaison, la communauté rurale de Kayemor, nettement moins peuplée dispose de 14 écoles pour le même nombre de villages.
C’est justement ce défi que le Sous – Préfet en charge de l’arrondissement précité s’est proposé de relever vaille que vaille. En voici les différents jalons posés et par étapes.
Déjà en 1998, exactement au mois de juin, une réunion a été convoquée à la Sous - Préfecture de Médina Sabakh, mais sans succès.
En 1999 à Darou, le Sous - Préfet organise une journée de sensibilisation avec à ses cotés des chefs de villages, des directeurs d’écoles, des notables et le Président de la Communauté Rurale. A cette occasion, le chef de village s’est adressé à la population mais, à la déception des autorités, il n’a parlé que d’école coranique, qui, à ses yeux, ne constitue que l’unique préoccupation en la matière. Il a répété à qui veut l’entendre que dans ce village le Coran est le socle de l’éducation des enfants et que la population ne demande qu’une aide dans ce sens.
En 2000, dans le cadre des manifestations marquant « la semaine de l’école de base », le Sous-préfet invite tous les chefs de villages de la communauté rurale pour demander aux populations d’adhérer à la scolarisation des enfants et en masse, en ciblant surtout le village de Darou qui persistait dans son refus. C’est l’occasion de décliner les bienfaits de l’école tenue par des Sénégalais et même si les enseignements restent dispensés en français.
Rien n’y fait, aucune avancée significative, le chef de village de Darou restant toujours campé sur sa position.
En 2001, le Sous- Préfet, le Président de la Communauté Rurale, le représentant de l’inspecteur de l’enseignement, quelques directeurs d’écoles et quelques notables de Ngayène se rendent à Darou Mbapp pour une campagne de sensibilisation des populations.
A la fin de la rencontre, le chef de village de Darou remercie tout le monde et indique que la population a besoin d’une école franco-arabe, rien que cela. Une certaine variation dans le discours servi !
Mû par un regain d’espoir, le Sous - Préfet dépêche une mission pour localiser le site où devrait être construite l’école. Et, contre toute attente, le chef de village se contente de revenir sur sa décision et de renvoyer le projet de construction aux calendes grecques.
De 2001 à 2007, les va-et-vient se succèdent dans l’espoir de trouver un dénouement heureux.
A un certain moment, le Sous - Préfet a cru bon de prendre avec fermeté la décision qui s’imposait mais devant la réplique du chef de village, il a fini par opter pour la concertation et la négociation, gage d’une issue durable et pacifique.
En réalité, ce refus du chef de village est dû à l’information recueillie selon laquelle la proposition de l’école franco-arabe n’est que subterfuge des autorités étatiques. En effet, suite à une promesse similaire faite aux habitants de Keur Samba Dièye, du reste très méfiants à l’égard de l’école officielle, seul le maître devant dispenser des cours en français fut affecté et point de maître d’arabe. Ce qui provoqua l’ire de la population qui ne s’embarrassa pas outre mesure de congédier le maître fût- il un ressortissant du coin.
Au final, à ce jour, ce village n’a pas encore d’école. Toutefois, les enseignants du coin, le Président de la Communauté Rurale, le Sous- Préfet, et le collectif des émigrés se sont fait l’obligation de mener à bien cette mission dans le moyen ou le long terme pour faire jouir les enfants de ce terroir du droit à l’éducation (officielle).
Pour y voir plus clair, l’auteur de cette fiche a mené des recherches. Il ressort que :
l’agriculture constitue une activité incontournable pour la localité car, elle parvient encore à nourrir son homme, malgré les aléas dans les filières, notamment celle de l’arachide. Le recouvrement satisfaisant de la taxe rurale enregistré dans la zone l’atteste à suffisance;
les rentrées scolaires et les derniers mois du calendrier scolaire coïncident exactement avec les travaux champêtres qui mobilisent toutes les couches sociales à même de contribuer aux activités primaires ;
la localité est demeurée conservatrice, jalouse de ses valeurs traditionnelles dont le soubassement reste l’islam et le Coran l’unique source de droit canonique ;
néanmoins, quelques rares parents s’évertuent bon an mal an à inscrire discrètement les leurs dans un établissement scolaire d’une autre localité, Taïf, située à 4 km de Darou Mbapp. Pourrait-on alors y projeter un phénomène de contagion ?
Le droit à l’éducation de base est certes un droit consacré par la constitution. Mais peut- on faire le bonheur des populations malgré elles ?
Ici, semblent apparaître et une méconnaissance socio culturelle de la localité et une mauvaise manière de mener les négociations.
Par ailleurs, cette expérience pose la question de la pertinence du système éducatif « imposé » à tous. Or, la grande majorité des générations adultes en milieu rural n’ont jamais fréquenté l’école officielle. Ce qui ne les a pas empêché pour autant de vivre en harmonie avec leur identité culturelle ; mieux cela a permis de les enraciner dans leurs valeurs de civilisation et de susciter en eux la vocation d’acteurs sociaux dynamiques du développement durable, même si c’est de manière informelle. Toutefois, cela n’enlève en rien l’impérieuse nécessité pour eux de s’ouvrir au monde de l’information et de la communication marqué par la globalisation. Et c’est sous ce rapport que la sensibilisation devrait être orientée par les autorités.
Dès lors, c’est en combinant tous les éléments de recherche susmentionnés et en tenant compte du vouloir des populations qu’un dialogue transparent devrait être mené, d’autant plus que peu d’élèves arrivent à voir le bout du tunnel dans un système éducatif devenu peu attractif en raison du taux hyper élevé de chômeurs et d’inadaptés qu’il ne cesse de sécréter.
Le Coran est le Livre unique, inaltérable, immuable, éternel des Musulmans (Recueil fidèle de paroles de Dieu révélées au Prophète Mouhammed par l’archange Djibril).
L’éducation de base correspond à la formation suivie par l’élève à l’école primaire (6ans) appelée ici élémentaire, suivie au moins par quelques années passées au secondaire.
Keur Samba Dièye est une localité de la Communauté rurale de Kayemor.
Kayemor est l’une des onze (11) communautés rurales que compte le département de Nioro du Rip.