L’exemple de l’avènement du « projet de lutte contre les pires formes de travail des enfants » dans le Département de Nioro

Dans le cadre de la coopération décentralisée, un accord est intervenu entre le Ministère de la Famille, de la Solidarité Nationale, de l’entreprenariat féminin et de la micro finance – l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance) et la Coopération Italienne, en vue de la mise en œuvre d’un projet intitulé « projet de lutte contre les pires formes de travail des enfants » dans le Département de Nioro.

Ce qui suppose, au préalable, une étude faisant le diagnostic sans complaisance de la situation des enfants dans le département. Donc, l’existence d’une équipe de qualité, à même de procéder à des enquêtes de proximité en direction des enfants en situation précaire dans les rues ou dans les daaras (école coranique) s’avérait nécessaire.

Le service du développement social, disposant d’agents (aides sociaux), était justement le mieux indiqué pour mener à bien une telle tâche. Mais les sëriñ daara (maître d’école coranique), parce que déçus par suite de multiples enquêtes sans lendemain, ont été amenés à prendre des attitudes très réservées, voire hostiles à ce genre d’exercice et même à refuser de coopérer en la matière. D’où un blocage.

C’est dans ce contexte qu’un déclic salutaire est venu de « Symbiose ». En effet, un an auparavant, l’organisation s’était résolue à étudier ce phénomène dans l’intérêt de la collectivité, et sans arrière pensée. Et comment ? Avec une équipe de sociologues et d’éducateurs spécialisés, de surcroît fils du terroir ayant fait leurs humanités à l’école française et surtout, dès la prime enfance dans ces daaras mêmes. Un motif suffisant pour les intéressés de revoir leur position restée jusque-là figée.

C’est pourquoi, les sëriñ daara ont répondu, sans état d’âme, à toutes les questions contenues dans le guide d’entretien. Mieux, ils ont activement participé à toutes les phases de l’étude : acteurs et objets dans l’étude, forum, restitution. Ils ont ainsi validé les résultats de l’étude à laquelle ils ont effectivement participé, du début à la fin. Le comité départemental de développement spécial sur la situation des enfants dans le département de Nioro a réuni les chefs de services et les sëriñ daara. Les participants ont alors attentivement suivi les explications relatives aux objectifs et aux missions du projet, de même que les résultats de l’étude traduits en langue nationale et en caractères arabes. Ce qui, somme toute, s’est révélé pertinent et a présenté un cas d’école pour une instance où le français, langue officielle, est de rigueur. A l’issue des débats, les réactions des sëriñ daara ont témoigné de la nécessité de leur implication et ont constaté à l’évidence une autre vision de la question. Et c’est ainsi qu’un sëriñ daara a solennellement avoué qu’il venait de se débarrasser, en toute sincérité, d’une idée préconçue selon laquelle l’UNICEF était « le plus grand danger pour les daaras ». Pour joindre le geste à la parole, ce sëriñ daara a décaissé 20 000 francs pour appuyer l’avènement du projet. Ce jour, la mobilisation a été telle que, séance tenante, la somme de 150 000 F a été collectée dans la salle.

Une esquisse de plan d’action a été collectivement élaborée ; un comité technique de suivi mis en place.

« Symbiose Sénégal », compte tenu de son expérience en gestion de programme et en matière de dynamique organisationnelle, est ciblé comme le point focal du projet et ce, en sa qualité d’ONG (Organisation Non Gouvernmentale). Il reste à officialiser ce choix par voie administrative. Enfin, un chronogramme de mise en œuvre dont une rencontre de planification du comité technique de suivi a été dressé.

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La compétence de l’équipe du service de l’action sociale n’a pas suffi pour percer « le mur » du conservatisme et de la réticence des sëriñ daara sans lesquels, rien ne peut se faire. Par contre, l’adhésion des acteurs sociaux au projet n’a eu aucune difficulté à se réaliser en raison de la légitimité professionnelle acquise par « Symbiose ».

Cette légitimité tient au fait que l’équipe de Symbiose est issue du terroir et a fait ses preuves dans plus d’un programme de développement autocentré dans le département. Force est d’admettre aussi que l’avènement du projet dans le département de Nioro n’aurait jamais pu se faire sans la synergie de ces légitimités effectives dans leurs diversités.

Notes

Les vocables qui suivent sont donnés dans la transcription wolof, langue utilisée par la quasi totalité de la population du Sénégal.

Daaras : écoles coraniques à vocation d’enseignement et d’éducation, suivant les préceptes du Coran et de la Sunna (l’orthodoxie musulmane).

Sëriñ daara : maître d’école coranique.

Legitimate governance
Re-founding the living together and the State
To build Peace and Security
Promoting the Territories and Development

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