By KEITA, Gaoussou
Aujourd’hui, la préservation et le renforcement des acquis démocratiques de la révolution du 26 mars 1991 au Mali sont sérieusement compromis par les comportements des politiques maliens. De quoi s’agit - il ?
Les politiques défendent le principe de la conquête du pouvoir par des élections libres et régulières. Mais, pour gagner des suffrages, ils ont recours, sans état d’âme, à des pratiques répréhensibles comme l’achat de conscience, le trafic d’influence, les votes multiples, la création de bureaux de vote fictifs, les manipulations frauduleuses des résultats chiffrés des votes pour gagner des suffrages. Même, une compétition interne (la primaire ADEMA ) a été caractérisée par l’achat de conscience et le trafic d’influence.
Ainsi, pour la plus part des politiques maliens, la fin justifie les moyens dans la conquête du pouvoir. Ce comportement paradoxal des politiques est un obstacle majeur au renforcement de la démocratie malienne.
Les politiques commandent le respect des pouvoirs et prérogatives constitutionnelles du président de la République et du gouvernement. Mais, sans état d’âme, ils " poussent " le Président à faire de ses promesses électorales le programme du futur gouvernement. Or, conformément à l’article 53 de notre constitution, le Premier ministre/Chef du gouvernement engage devant l’Assemblée Nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. Les articles 53 et 78 de notre constitution prouvent très clairement que l’ossature du programme de gouvernement n’est pas constituée par les promesses électorales du Président élu mais par celles du parti ayant remporté les élections législatives.
Les promesses électorales du Président élu constituent l’ossature du programme de gouvernement, seulement et seulement si, le parti du Président ou le groupe de partis ayant soutenus sa candidature, devient le parti majoritaire à l’Assemblée Nationale. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le non respect des pouvoirs et prérogatives du gouvernement entraînera inévitablement une crise politique grave au Mali, donc un recul de notre démocratie.
Les politiques maliens reconnaissent la nécessité et l’utilité de l’existence d’une opposition parlementaire. Mais davantage intéressée par l’acquisition d’avantages et de privilèges, les leaders politiques préfèrent profiter de la politique d’ouverture pour entrer au gouvernement. Entre 1997 et 2002, le Mali a été géré sans opposition parlementaire par huit (8) partis politiques
Les résultats de cette situation expliquent d’ailleurs la volonté d’alternance et de changement du peuple malien. En 2002, aucun parti politique ne veut être dans l’opposition.
Juridiquement, on peut pas parler de majorité présidentielle dans le contexte politique actuel. En effet, une majorité présidentielle suppose une alliance entre le parti du Président et d’autres partis politiques. Or, le Président élu n’a pas de parti.
Juridiquement, aucune majorité parlementaire ne peut être constituée en dehors du parti ayant remporté les élections législatives, habilité constitutionnellement à former une majorité pluriel pour gouverner.
Les deux grands regroupements politiques, l’ARD et l’ACC peuvent juridiquement constituer une opposition majoritaire en vue de renverser le gouvernement par le biais de la motion de censure mais ne peuvent constituer une majorité parlementaire pour gouverner.
Démocratiquement, le Président dispose à travers l’ACC (le mouvement citoyen qui a soutenu sa candidature) d’une base fragile. En effet, la trentaine de partis politiques et d’organisations de la société civile que compte l’ACC n’a pu obtenir du peuple malien que onze sièges de députés dont trois au moins grâce à d’autres partis en alliance.
Il est alors dangereux comme c’est le cas actuellement que le Président pratique la même politique de gouvernement d’ouverture que par le passé. Cette politique a favorisé la suppression de l’opposition, l’irresponsabilité des partis politiques et la mauvaise gouvernance.
Le comportement des hommes politiques maliens est de nature à détourner le peuple du jeu démocratique. Les populations semblent aujourd’hui égarées dans le tourbillon des intrigues politiques au seul profit des hommes et des femmes qui animent la scène politique. Le réveil du peuple se révèle toujours fatal.