L’augmentation non partagée du taux de location de soucks
By SY, Babou (Nioro du Rip, December 2008)
Au Sénégal, la plupart des communes des villes moyennes ne disposent pas assez de moyens financiers pour exécuter leur budget. A tel point que le fonctionnement même de l’institution s’en trouve entamée. C’est pourquoi, certaines municipalités sont amenées à recourir à des taxes sans commune mesure avec les possibilités des acteurs économiques contribuables. C’est ce qui est arrivé à Nioro, commune située dans la région de Kaolack dans le coeur du bassin arachidier et peuplée essentiellement de paysans et de couches sociales à faible revenu.
En effet, suite à une délibération, la commune a adopté l’augmentation des taxes et le taux de la location de soucks pour renforcer son budget qui supportait à peine les charges du personnel et ne permettait pas d’investissement. Ainsi, l’arrêté a été publié et la nouvelle est parvenue dans le marché où les réactions ne militent pas pour son application.
Loin s’en faut, le Président de l’association des locataires convoque d’urgence une réunion pour recueillir les avis des uns et des autres. Pour certains, le contexte n’est pas favorable parce qu’on est en hivernage et les affaires ne marchent pas. Pour d’autres, il n’en est pas question : depuis deux ans, ils courent après le Maire pour la réparation des toitures.
Après la rencontre, une délégation conduite par le Président de l’association rencontre le Maire pour protester contre cette mesure tout en faisant planer des menaces de refuser de s’acquitter de ces surtaxes si la mesure n’était pas levée.
Mais le Maire persiste et signe en s’appuyant sur la légalité de l’arrêté qui a été voté par la majorité des conseillers. Donc, à ses yeux un arrêté légitime.
Au sortir de la rencontre, les locataires retournent dans le marché pour y tenir une seconde réunion. La décision qui en est sortie est un refus catégorique d’obtempérer ; l’adhésion à ce mot d’ordre est totale. Solidarité oblige.
Un mois après, l’agent de la Perception passe pour encaisser les locations, conformément à la nouvelle grille fixée par l’arrêté précité. Comme si de rien n’était. Non seulement, il n’a rien perçu mais il a failli en venir aux mains avec le Président qui lui a tenu des propos jugés insolents. Alors, il quitte pour aller rendre compte au Percepteur. Ce dernier réquisitionne la gendarmerie : fermeture des cantines, saisie de clés, arrestation des récalcitrants.
Ce jour- là, parents et amis font la navette entre la Mairie et la gendarmerie ; même les notabilités religieuses sont de la partie. Tous ont négocié la libération de ceux qui étaient gardés en vue à la gendarmerie. Au bout du compte, la légitimité des chefs religieux et des notables a pesé de tout son poids en faveur des « commerçants ».
C’est ainsi que, deux jours après, l’arrêté est suspendu et le calme est revenu.
L’application de cet arrêté a été reportée ; son effectivité n’a été possible que l’année suivante.
Cette expérience révèle que les populations, notamment les « commerçants » générateurs de contributions financières n’ont pas été associées à la séance de l’élaboration du budget. Et ce, en violation des dispositions régissant l’institution. Leur présence et leurs avis dans les coulisses auraient pu édifier les élus locaux sur la validité et la pertinence de leur délibération.
Pour éviter ce bras de fer, c’était l’occasion de prendre cette question en compte dans les débats budgétaires. Si le Maire est une autorité jouissant d’une légitimité, les associations des commerçants constituent une force et ont un rôle important à jouer dans le développement local. Il faut toujours des négociations préalables, en vue D’UNE PRISE DE DECISION CONCERTEE avec tous les acteurs.
Tout ceci pose le problème du renforcement des capacités des élus locaux et de l’insuffisance des moyens d’accompagnement des collectivités locales, gage d’une décentralisation efficiente.