By Ambroise DAKOUO (Gao, February 2009)
La ville de Gao, capitale de la septième région administrative du Mali, est située au Nord du pays. On y rencontre différents groupes ethniques à savoir : les sonrhaïs, les armas, les peuhls, les bellas, les bambaras, etc. Les principales activités de cette localité sont l’agriculture, l’élevage et le commerce. La religion dominante dans cette localité demeure l’islam. On y trouve aussi le christianisme et l’animisme.
A Gao, ils existent deux principales communautés : les songhaïs et les armas. Ces deux communautés, ont chacune à leur tête des chefs traditionnels qui sont les garants de l’unité et de l’entente entre les membres de leur communauté. Ils sont également les représentants de leur communauté, ils disposent d’une grande autorité et sont les premiers médiateurs en cas de conflit.
Face aux litiges sociaux qui se posent entre les membres de leur communauté, les chefs de communauté sont de plus en plus impliqués dans la recherche de solutions consensuelles et collaborent au besoin avec les autorités judiciaires de la ville.
En janvier 2008, le chef de la communauté arma a reçu une plainte d’un membre de sa communauté. Le plaignant était un arma habitant de la ville de Gao qui avait prêté à un autre arma une somme de 30 000fcfa. La somme devait permettre à son bénéficiaire de promouvoir son élevage de chèvres.
Le délai convenu entre les deux personnes pour le payement de la dette était de six mois. Au bout du temps imparti, l’éleveur n’a pas pu rembourser la somme qui lui avait été prêté. Ceci a provoqué la colère du créancier. Ce dernier a menacé d’abattre le bétail de l’éleveur s’il n’entre pas en possession de la somme parce que pour lui le non payement de la dette est dû à un manque de volonté. La menace proférée ne lui a pas permis d’avoir gain de cause. Suite à cela, il a décidé de porter plainte chez le chef de la communauté arma.
Ce dernier a réuni les chefs et les imams de sa communauté afin de trouver une solution au conflit opposant deux membres de leur communauté. Les deux protagonistes ont été conviés chez le chef de la communauté en présence des sages et des imams. Après avoir écouté les deux parties, les causes du non payement ont été connues. Celles-ci résident dans le fait que le bénéficiaire de la somme prêtée n’est pas parvenu à promouvoir son élevage car ses chèvres ont été victimes d’une épidémie. Celle-ci a causée des pertes énormes dans les rangs du bétail.
L’éleveur s’est engagé à payer sa dette et séance tenante il a donné une somme de 5000fcfa. Pour lui, le fait d’être convoqué chez le chef de sa communauté lui impose l’obligation morale d’honorer ses engagements en raison du respect qu’il a pour la chefferie. Compte tenu des arguments que l’éleveur a avancé, le chef de la communauté arma et ses pairs ont demandé à l’éleveur de payer la dette dans un délai de trois mois. Ils ont également demandé au plaignant d’accepter le payement par tranche à partir du moment où le principe du payement total assorti d’un délai était acquis.
La solution du chef de la communauté et de ses pairs a été acceptée par les deux protagonistes qui se sont engagés à mettre fin aux querelles provoquées par ce différend. Le conflit a été définitivement résolu et il n’a plus ressurgi. Par ailleurs les deux habitants ont renoué les liens de collaboration au bénéfice de leur communauté.
Les autorités traditionnelles de Gao, chefs des différentes communautés ethniques de la ville sont très impliqués dans la résolution des conflits locaux. Au Mali, il n’y a pas de cadre juridique qui prévoit le recours aux chefs de communauté pour la résolution des conflits, toutefois la loi favorise la collaboration des autorités judiciaires avec les acteurs traditionnels au besoin. A Gao, les populations ont de plus en plus recours à leurs chefs de communauté pour résoudre les conflits qui les opposent. En réalité, la référence aux autorités traditionnelles est due à leurs valeurs socio- historique dans la société.
Cette fiche est issue de l’entretien avec Monsieur Mahamadou TOURE, résident à Gao (Mali).La supervision a été assurée par Monsieur Djibonding DEMBELE (correspondant thématique) et par Madame Néné KONATE (Médiatrice de l’ARGA/ Mali).