L’expérience d’un habitant de Keur Moussa
By BA, Ilo (Porokhane, June 2009)
La communauté rurale de Porokhane ne dispose que de deux (2) postes de santé pour près de 23 000 habitants dont un à Keur Moussa. Un fils du village bien instruit à l’école française m’a parlé autrefois de constitution et m’a fait comprendre que l’accès aux soins et le droit à la santé est consacré au Sénégal en droit constitutionnel. Voilà pour les textes. La réalité sur le terrain est tout autre. J’en donne dans ce qui suit mon expérience personnelle qui s’apparente à un cinglant démenti.
Il y a deux ans, je tombai malade. À la structure de santé, on me fit comprendre que l’Infirmier Chef de Poste (ICP) était absent pour motif de formation à un séminaire organisé quelque part. C’est ainsi que mon père me proposa d’aller en Gambie. Mais je me suis proposé de partir à Karang abritant le poste de Thilla Karang en qui j’ai toujours fondé une certaine confiance. Arrivé sur place, j’appris que le célèbre ICP a été remplacé par un autre. Pis, lui aussi était absent du service pour cette journée. Il fallait donc attendre jusqu’au lendemain. Avisé de mon insistance et de mes attentes pour ce poste de santé, il s’en offusqua vivement. En fait, il concevait difficilement mon entêtement à attendre son retour au lieu de me diriger ailleurs ou aller trouver un guérisseur. Sur ces entrefaites, très remonté, je ne pus contenir ma colère. Au point de répliquer verbalement et d’afficher mon empressement à en découdre avec lui. Heureusement, l’assistance parvint à décanter la situation.
Dépité, je finis par me rendre en Gambie voisine dans les environs de Amdalaï, l’agglomération située en face, au-delà de la frontière. Pourtant, j’avais des préjugés sur la fiabilité des médicaments servis en Gambie et sur le niveau de qualification des infirmiers de ce pays. Du simple fait de la différence des deux systèmes de santé et notamment de la vente libre des médicaments, contrairement à la rigueur de la réglementation des officines de pharmacie au Sénégal. Là-bas, je fus pris en charge et soigné à un coût raisonnable. Depuis ce jour, j’ai opté définitivement pour les prestations sanitaires de la Gambie, surtout que je me dis qu’au Sénégal se développent de jour en jour des circuits non officiels de commercialisation de
médicaments de toutes sortes. Comme le dit le vieil adage « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras».
Comme annoncé au début, l’accessibilité aux soins au Sénégal ne dépasse guère les intentions de principe. C’est comme si l’Etat, pour soigner son image sur le plan international, était plutôt disposé à élaborer des textes sans y mettre la volonté de les rendre effectifs et efficients.
Le monde rural accuse particulièrement un déficit cruel en personnel médical qualifié et en infrastructures de santé. On a comme l’impression que ce personnel, s’il existe, se complaisait à récolter des per diem à travers les séminaires plutôt que de rester au chevet de leurs malades. Etant entendu que, de toutes les façons, il serait payé à la fin du mois !
C’est tout de même une contradiction pour l’Etat du Sénégal qui encourage, du fait de son désengagement dans le secteur de santé publique- surtout en milieu rural- sa propre population transfrontalière démunie à se faire traiter ailleurs.
per diem : allocations journalières