Une expérience à Médina Sabakh, entre le Sénégal et la Gambie
By DIANE, El Hadji (Médina Sabakh, May 2009)
La localité de Médina Sabakh, à la fois chef-lieu d’arrondissement et chef- lieu de la communauté rurale portant le même nom, ne dispose que de deux (2) postes de santé pour une population de près de 30 000 habitants et dans un département- Nioro- qui ne compte que 2 médecins généralistes, soit 1 médecin pour 135 000 habitants (norme requise par l’OMS, 1 pour 3000 habitants). La proximité de la grande agglomération de Keur Ayip à fort taux d’accroissement de sa population voisinant actuellement celle de Nioro complique davantage le dénuement en personnel de santé, car aucun poste de santé n’y est encore édifié. En face de Keur Ayip et de l’autre côté de la frontière entre les deux pays se trouve la localité gambienne de Faraféni avec ses structures hospitalières. Pour mémoire, cette localité historique fondée par une famille lignagère - les Diba- aujourd’hui éclatée de part et d’autre de la frontière (imposée par le découpage colonial franco britannique de 1889) jouissait d’un rôle stratégique au sein d’un même Etat précolonial incluant jadis Nioro et une bonne partie de la Gambie actuelle (Rip - Badibou).
C’est dans un tel contexte qu’une nuit de l’an 2008, je fus contraint de conduire mon épouse, en charrette, au poste de santé de Médina Sabakh pour un cas d’urgence de complications prénatales au service de la maternité. Il nous fut demandé de laisser au box des personnels le restant des médicaments déjà achetés qui, en toute sincérité, étaient trop chers pour notre modeste condition de paysans. Curieusement et à notre grand étonnement, une autre ordonnance plus salée nous fut servie par la matrone faisant office de sage femme. Et pour l’unique raison invoquée, les médicaments déposés comme expliqué plus haut avaient miraculeusement disparu. Désemparé, je me proposai de rencontrer l’Infirmier Chef de Poste (ICP) qui opposa une fin de non recevoir à mes complaintes. Et rien ne vint répondre à ma voix solitaire. Sinon, le hennissement de mon cheval de selle comme pour m’indiquer le chemin de Faraféni. Et cap sur les lieux, une structure sanitaire aux allures anglo-saxonnes. Heureusement, ici aucune formalité pour franchir cette ligne de démarcation, la frontière n’existant pas dans la conscience des deux peuples qui ont en partage la même histoire et la même Foi socio religieuse.
Dès notre arrivée, nous fûmes agréablement reçus par l’infirmier major et tard cette nuit- là. Vu l’état jugé sérieux de ma femme enceinte, il accourut informer les médecins chinois, pourtant rentrés à leur domicile et plongés dans leur sommeil. Ils font partie du personnel médical dans le cadre de la coopération bilatérale. Aussitôt, l’agent sollicité arriva et consulta la dame dans sa douleur. Non seulement, tous les soins nécessaires lui furent apportés mais, elle reçut sur place un sachet de médicaments. En outre, une moustiquaire imprégnée et un ticket spécial avec la mention « traitements pré et post accouchement » furent remis et seulement contre notre participation financière symbolique de 1000 francs Cfa ! Donc, permettant d’assurer tous les traitements et consultations. Et comme si cela ne suffisait pas comme aide et assistance, un lot d’aliments nutritionnels et de vitamines pour boucler la boucle. On n’en revenait pas. Et pourtant nous ne sommes séparés que de quelque 2 kilomètres. Alors, précarité sanitaire en deçà de la frontière, satisfaction au- delà !
Cette expérience révèle à la fois les incohérences et les dysfonctionnements dans le service de santé publique au Sénégal, notamment en milieu rural :
l’insuffisance des structures sanitaires et la difficile accessibilité des infrastructures (les routes défectueuses et le ravinement obligeant les ruraux de recourir à des charrettes même pour des femmes enceintes) ;
le manque de personnel médical, le manque de sérieux et de qualification des agents en service ;
le coût des médicaments dépassant de loin les capacités financières des populations ;
la mauvaise répartition, selon la géographie et la démographie, des établissements de santé (nécessité d’implanter un centre de santé à Keur Ayip), etc.
Les populations sénégalaises de la zone transfrontalière de Médina- Sabakh reconnaissent l’opportunité qui leur est offerte de recourir, à bon escient, aux prestations de service disponibles en terre gambienne. L’on comprend alors la ruée de toutes ces contrées pour se faire soigner en Gambie. Mais si, par extraordinaire, la situation s’inversait, alors quelles conséquences pour les sénégalais ? Aussi, les gens se demandent- ils pourquoi la partie sénégalaise ne se décide pas à se joindre à son homologue d’à côté pour asseoir ensemble une politique zonale de santé particulièrement intégrée et à avantages mutuels pour les deux pays.