Un soupçon de diabète lourd de conséquences
By NDIAYE, Birane (Nioro du Rip, July 2009)
Après quelques semaines de picotements au niveau du pied gauche, les douleurs s’accentuèrent brusquement. L’enflure démesurée de l’organe amplifiée par mes ablutions se manifesta par le suintement de la plaie qui s’ensuivit. Et en cette soirée du 29 mars 2009 restée à jamais gravée dans ma mémoire, mon épouse et les proches parents me conduisirent d’urgence au centre de santé de référence de Nioro du Rip (Sénégal).
Après acquittement des 1000 francs de frais de consultation auprès d’un médecin, je fus rapidement examiné par un des adjoints du médecin- chef qui était hors de Nioro depuis un certain temps. Vu mon état de santé critique, l’hospitalisation fut ordonnée. Il fallait évidemment verser au préalable une somme de 20 000 francs sans compter que la nuitée était facturée à 3000francs. Les premiers soins furent prodigués : perfusion de solutés variés avec antibiotiques.
Le lendemain, je fus soumis à une série d’analyses de sang, en somme à un bilan approprié. Le taux de glycémie révélé par les résultats dépassait légèrement le seuil de 1g/ 1000.
Pourtant, le médecin traitant estima qu’il s’agissait d’un cas de diabète. Sans être connaisseur en la matière, le traitement auquel j’étais par la suite soumis était probablement plus ou moins réservé aux diabétiques. Toute la semaine durant, les douleurs redoublèrent d’intensité ; aucune amélioration n’était perceptible. Le doute, l’angoisse commençaient à hanter mon entourage familial. A tel point que certains proches crurent bon d’associer à la thérapie moderne les techniques curatives traditionnelles et mystiques. En tout état de cause, aucune substance pouvant aggraver l’état inflammatoire ne fut utilisée. Du reste, les agents sanitaires étaient tenus informés de tout.
C’est dans ce climat qu’intervint le retour du médecin-chef, exactement deux semaines après mon hospitalisation. Venu faire un examen de routine dans la salle, il ordonna mon évacuation immédiate sur Kaolack, chef-lieu de la Région médicale, à l’hôpital El Hadj Ibrahima NIASSE. Il faut tout de même préciser qu’il ne daigna même pas examiner le pied, encore moins la plaie. Tout simplement se contenta- t-il de s’enquérir de la durée consommée de mon hospitalisation.
Nous eûmes la chance, en compagnie d’autres évacués sanitaires, de trouver l’ambulance disponible avec une réserve suffisante de carburant. Sinon, il aurait fallu se cotiser pour se procurer soi-même l’essence.
Arrivé à Kaolack, je pensai intensément aux frais qui m’attendaient. En effet, jusque-là, les frais cumulés s’élevaient déjà à plus de 65 000 francs, une somme colossale eu égard à mes modestes conditions de vie.
Aussi, grande fut ma surprise devant la réaction du responsable du service du diabète de l’hôpital. En effet, à l’examen de mon dossier et en observant mes déplacements, il me dit péremptoirement que mon évacuation ne se justifiait pas. Et de déclarer tout de go : « Prépare- toi à rentrer à Nioro. Point n’est besoin de te faire subir une quelconque analyse de glycémie car, rien que par ta démarche, aucun soupçon de diabète ne pèse sur toi. Je vais te remettre un mot destiné au médecin de Nioro. S’ils sont incapables de traiter le pied, ils n’ont qu’à me le faire comprendre et nous ferons alors le nécessaire. Mais je crois qu’à la lecture de cette missive, tout rentrera certainement dans l’ordre. »
Je poussai un ouf de soulagement et regagnai Nioro, après moins d’une demi-heure passée à Kaolack. Mais en même temps, je soupçonnais un cas désespéré ou incurable, vu la promptitude avec laquelle il m’enjoignit de rentrer au bercail.
Ainsi, revigoré par les propos rassurants recueillis à Kaolack et, par moments, en proie aux incertitudes, je m’empressai de rendre compte au médecin (l’adjoint) traitant. Complètement atterré, presque muet, il me murmura l’idée de me libérer de l’internement et de continuer les traitements en mode externe. Mieux, il décida unilatéralement l’exonération de l’acquittement quotidien du ticket pour les soins. Cela ne plut pas d’ailleurs au vérificateur du centre qui ne l’entendait pas de cette oreille. N’eût été la détermination du médecin, le paiement quotidien m’aurait été imposé. C’est ainsi que, grâce à la bienveillance d’un certain motocycliste, je pus me rendre journalièrement au centre pour recevoir les soins.
Par enchantement, début mai 2009, tout ne fut plus qu’un mauvais souvenir. Mais après plus de 100 000 francs de frais et des nuits d’angoisse et de doute !
Cette expérience à rebondissements dont ce récit n’est qu’un petit aperçu m’inspire à la fois amertume, manque de confiance, réflexions et suggestions face aux maux qui minent nos structures de santé.
Tout d’abord, en se fondant surtout sur la réaction du spécialiste de Kaolack, on est en droit de s’interroger sur le caractère pointu des résultats des analyses faites en l’espèce et par voie de conséquence sur la pertinence du diagnostic du médecin traitant de Nioro. Le fait que les douleurs aient empiré au fur et à mesure du traitement de la 1ère semaine n’en constituait-il pas un signe annonciateur ?
Pourquoi n’avoir pas pensé à faire d’autres examens de contrôle de la glycémie avant la prescription des médicaments dont l’application ne s’avérait peut-être pas encore pertinente ? Sur ce registre, la magnanimité du médecin à l’égard du patient à son retour de Kaolack (le passe-droit pour le ticket) laisse penser quelque peu à une sorte de mea culpa ! Autant de questions légitimes du citoyen, fût-il un ignorant en la matière.
L’attitude du médecin- chef obéit-il au principe de la gestion pyramidale des consultations, selon lequel le patient, avant d’être acheminé à l’échelon supérieur, doit faire l’objet de tous les examens cliniques, à la mesure des moyens matériels et humains de la structure concernée, en l’occurrence le district sanitaire ?
Cela ne semble pas être le cas quand bien même le médecin-chef disposerait d’un savoir et d’une intuition que le profane n’est pas censé décoder.
Enfin, il faut convenir de la cherté relative des consultations en un milieu dont l’activité économique essentielle demeure l’agriculture totalement en panne et qui est confronté à des pénuries de médicaments génériques obligeant les patients à se tourner vers les officines de pharmacies trop coûteuses.
C’est pourquoi, nous suggérerions :
d’éviter les ruptures de stocks de médicaments génériques ;
de considérer le billet de sortie de l’hospitalisé comme une forme de laissez- passer au moins pendant un certain temps pour lui permettre de bénéficier gratuitement des soins liés à son hospitalisation ;
de sensibiliser les comités de santé à ces problèmes.
Le texte, écrit par Mamour SECK est la fidèle restitution des faits, des gestes, des idées de l’intéressé.