Les mystères d’un brusque décès
By BADIANE, Babacar (Kayemor, July 2009)
C’était en 2008, un jour, la fille d’une voisine mariée et mère de 4 enfants tomba malade. Elle avait des maux de ventre. On l’a amenée au Poste de santé de Kayemor. Il faisait nuit ; minuit passé. On a trouvé sur place un stagiaire, qui est ensuite allé chercher l’Infirmier Chef de Poste. Ce dernier est venu et a commencé à la consulter. Il est sorti et a dit à la maman de la malade qu’elle était gravement malade et il fallait l’évacuer. Mais, comme il n y avait pas d’ambulance (en panne), la maman est sortie pour échanger avec moi afin d’intercéder auprès du Président du Conseil Rural qui habitait à quelques encablures de Kayemor (Dialacouna). En fait, le Président du Conseil Rural disposait d’une voiture pouvant transporter le malade à Nioro. Mais, il était en déplacement. Après plusieurs vaines tentatives de le joindre au téléphone, il fallait se convaincre de l’impossibilité de se rendre à Nioro.
Sur ces entrefaites, la maman se résolut à retourner pour s’enquérir de l’état de santé de la malade. A son étonnement, l’Infirmier Chef de Poste l’interdit sans ménagement d’accéder au malade. Et perplexe, elle ne savait que faire du verre d’eau qu’elle voulait lui servir.
En réalité, après coup, la malade avait déjà rendu l’âme. Je l’appris peu de temps après. En effet, l’Infirmier Chef de Poste, pour éviter un choc brutal, jouait avec le temps ; une raison d’opposer une fin de non recevoir à toute tentative d’accéder à la salle de l’internée. Et l’infirmier m’a dit dans le secret de sa cabine qu’il était convaincu que c’est un cas d’empoisonnement. En effet, il sortait de la bouche de la femme des bulles, sorte de mousse, le vendre augmentait de plus en plus de volume. L’Infirmier Chef de Poste a appelé devant moi le médecin - chef de Nioro pour lui dire qu’il n’était pas disposé à livrer le corps en raison du cas d’empoisonnement. Le Médecin a demandé au mari de la femme décédée ce que la dame avait mangé auparavant. Il a répondu qu’il s’agissait du « Dibi » (viande grillé) et du lait caillé offerts par un parent visiteur occasionnel.
C’est ainsi que j’ai joué les médiations car, connaissant le mari et la femme décédée ainsi que leur entourage. Pour moi, il n’y avait pas préméditation. Après analyse et avec le recul, on soupçonne le bidon qui contenait le lait caillé, un genre de bidon de récupération à contenance initiale douteuse. C’est pourquoi, un cercle d’amis réfléchis avait supplié l’Infirmier Chef de Poste d’étouffer l’affaire et de ne pas la porter au niveau de la gendarmerie.
C’est ainsi que, dans l’intérêt supérieur de la cohésion sociale, l’Infirmier Chef de Poste et le médecin-chef de Nioro ont étouffé l’affaire. Ce qui ne m’empêche pas de me poser tant de questions sur cette mort dont j’ignore encore les tenants et les aboutissants.
A tort ou à raison, la pratique de l’autopsie n’est pas entrée dans les mœurs dans ce genre de milieu. Mais, ce que la société gagne ici en « paix » ne le perd-il pas en connaissance de cause ? Peut-être, une autopsie dédouanerait-elle certaines personnes présumées incriminées dans le secret et édifierait-elle les populations sur les risques liés à l’usage d’ustensiles de récupération, notamment les contenants de pesticides et autres ?