Le cœur et la justice chez les tém

Les Tém sont un peuple de la région centrale du Togo qu’on retrouve au Bénin et au Ghana, pays voisins. C’est une société à Etat avec un gouvernement, une armée et une justice. La justice rendue par la cour du roi se charge de régler les conflits nés.

Chez les Tém, quelle représentation symbolise la justice ? Nous avons interrogé des individus sur ce à quoi ils pensent dès que le mot justice est évoqué. Pour ceux qui sont instruits, la réponse a été la balance.

Par contre nos interlocuteurs non instruits nous parlent du cœur. Pour eux, la justice c’est le cœur et le cœur de l’homme est son guide, son Dieu. Le cœur renvoie à la vérité qui selon eux est le siège de la volonté. Il est ainsi le siège des actes et a tendance à dominer ou à prendre le dessus sur l’esprit et la tête. Celui qui est sur le mauvais chemin (qui a un mauvais comportement) se dit parfois : « quelqu’un qui est trompé par son cœur », « son cœur ne lui dit pas la vérité. » Un homme têtu est un homme dominé par son cœur et ça se dit : « Wénbiré-doni » (le cœur dur). Rien à voir avec la tête ou la raison, mais tout à voir avec le cœur. Lorsqu’un individu pose des actes trop durs et particulièrement méchants, on dit qu’il est « soumis à son cœur, son coeur le dépasse ou le domine». Cette expression s’utilise dans un contexte d’infraction et pour une personne qui agit sans pondération, qui manque de sagesse.

La vérité se dit en accord avec le cœur comme aussi la décision se prend en se frappant la poitrine (« wénbiré »), là où loge le cœur (« wénbirébou »). On le voit, le mot qui désigne la poitrine est le même utilisé pour désigner le cœur. Frapper sa poitrine, c’est se décider. Donc la décision d’agir vient du cœur. De la même façon, la vérité doit venir du cœur et la vérité c’est la justice.

A un procès, on juge conformément à la vérité. A l’occasion d’un litige ou d’une infraction, on cherche le juste et non la simple conformité à des règles préétablies. Il ne serait jamais question dans ce cas du principe de légalité.

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En vue du règlement d’un litige, tout intervenant s’adresse à la fois à la raison des parties à leur cœur.

A la lumière de cette analyse sémantique, on peut s’apercevoir qu’à la recherche de mécanismes de régulation des conflits, le travail doit s’orienter avant tout vers la conception que les peuples concernés ont du conflit et de la justice.

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