By DJONOUKOU KOSSI Tata (lomé)
Par définition, par essence et par vocation, anciens et médiateurs sont des relais indispensables, des maillons essentiels dans la juridiction traditionnelle. Ils sont l’expression d’une forme de séparation de tâches destinée à éviter l’omniprésente et l’omnipotence du chef traditionnel dont la fonction est plus honorifique, représentative, symbolique qu’active et opérationnelle. C’est pourquoi il existe des médiateurs et des anciens pour assurer et assumer la tâche d’encadrement des conduites sociales dont le but est de prévenir les phénomènes de dysharmonie, d’apaiser des hostilités, ou de trouver solution ou règlement des conflits selon les besoins, les circonstances et la nature des problèmes.
Mais il importe que ces personnages aient un certain pouvoir d’influence pour arriver à peser de leur poids, dans la balance, au moment de leur intervention. C’est ici que joue leurs caractéristiques objectives.
Il y a quatre types de caractéristiques objectives des médiateurs qui sont des critères d’appréciation et des éléments d’efficacité : la connaissance approfondie du milieu, l’exemplarité de la conduite socio-morale, l’aptitude pédagogique et la crédibilité de la parole.
La connaissance approfondie du milieu
Les médiateurs sont sensés avoir la maîtrise de toutes les arcades de leur communauté d’appartenance : les limites des champs et des tenures foncières des clans et des familles ou des groupes, les liens de parenté, l’histoire sociale du milieu, les événements qui émaillent la vie du groupe, les liens de parenté les us et coutumes en vigueur, etc. Ils doivent savoir comment faire telle cérémonie, comment appliquer tel rituel, à quel moment et dans quelle circonstance, quels sont les interdits propres aux groupes etc., bref, les médiateurs et anciens sont sensés posséder ce qu’on appelle ’’l’ésotérisme du connaître et du savoir’’, les savoirs sociaux profanes et ésotériques.
L’exemplarité de la conduite socio morale
Les médiateurs et les anciens se doivent d’être au-dessus de tout soupçon ; ils ne doivent ou ne peuvent poser aucun acte qui cause entorse au bon fonctionnement de leur groupe social. Par exemple : ne pas enfreindre les us et coutumes, détourner la femme du prochain, occuper abusivement le champ du voisin etc.
Avoir une aptitude pédagogique :
En possédant le pouvoir de la parole et la parole du pouvoir, l’art de conciliation, le savoir dire et le pouvoir dire. Et c’est dans ce sens que les médiateurs doivent savoir user des proverbes, des formules métaphoriques, des euphémismes, bref des finesses psycholinguistiques doublées d’un rituel incantatoire avec la magie du verbe pour faire entendre raison aux antagonistes. Cette qualité confère aux médiateurs la crédibilité de la parole.
Avoir la crédibilité de la parole
En principe, quand les médiateurs interviennent sur une affaire on accorde crédit à leurs dires. Dès lors leurs conseils valent des recommandations : ils sont non seulement écoutés, mais aussi et surtout obéis, suivis et respectés.
Par ailleurs, il existe des personnages mythiques ou des êtres invisibles qui jouent le rôle de médiateurs. Ils sont les garants sacrés de la société, et appartiennent au monde d’un autre ordre, un ordre au dessus des hommes. C’est pourquoi leur médiation est efficace, surtout qu’ils inspirent une crainte mystique.
Les médiateurs et anciens bénéficient en outre d’un crédit imagologique de la part des membres de leur communauté d’appartenance. En fin de compte, ils ont une identité sociale, puisque la communauté doit retrouver ses valeurs dans ces personnages. C’est pourquoi leurs interventions ont des pesées socio-anthropologiques.