Le phénomène du travail des enfants est assez complexe de sorte que la circonscription ou sa définition, la détermination des causes et son solutionnement pratique et opérationnel sont presque une gangrène en Afrique.
Traditionnellement en Afrique le travail constitue pour l’enfant le principal facteur de son intégration sociale au sein de la famille puis de la communauté.
L’exploitation de ce travail des enfants est devenue un fléau qui prend des proportions assez inquiétantes dans le monde. En 1997 on comptait plus de 250 millions d’enfants travailleurs dans le monde dont 80 millions en Afrique. En Afrique de l’Ouest et du Centre, environ 26 % des 132 millions d’enfants de 10 - 15 ans sont astreints au travail et très souvent dans des conditions particulièrement exploitantes et dangereuses pour leur santé et leur développement physique et moral.
Le fléau a pris plus d’ampleur dans les pays en voie de développement du Sahel occidental depuis les grandes sécheresses de 1973-1974 où l’on a assisté à d’importants flux migratoires.
Plus de 25 % des enfants travaillent en Afrique sont des aides familiales appelées " bonnes " au Mali et parmi eux une grande proportion sont des filles âgées de 10 à 16 ans.
Au sein des enfants travailleurs, c’est la situation des petites filles de 9 à 14 ans appelées " petites bonnes " qui est la plus préoccupantes parce que plus sollicitées que les autres et de façon importante pour toutes les tâches domestiques y compris les travaux les plus durs.
C’est ainsi qu’un projet fut initié par la fondation canadienne des droits de la personne dans 3 pays africains : Mali, Maroc, Niger en partenariat avec les ONG nationales de ces pays.
A cet effet un atelier préparatoire s’est tenu à Bamako du 09 au 11 novembre 2001 afin de mettre à niveau tous les partenaires impliqués sur l’évaluation de la situation.
Cet atelier fut organisé par la Fondation Canadienne des droits de la personne avec son répondant malien la FOMADDH (Forum Malien d’Appui à la Démocratie et aux Droits Humains).
Cet atelier a comme autre la participation des maliens, marocains et nigériens mais aussi celle de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso. Au cours de cette rencontre, les participants ont exposé l’état de la situation dans leur pays, les dispositions législatives et judiciaires prises par les autorités et les efforts des ONG entrepris dans la lutte contre ce fléau, l’encadrement et la défense des droits de cette couche socio-professionnelle très marginalisée.
L’atelier a fait des recommandations par rapport au renforcement des capacités des ONG partenaires.
Il s’agit de :
la connaissance des outils internationaux de défense et de promotion des petites bonnes ;
la connaissance ou technique de conception des outils et messages de sensibilisation ;
les objectifs, il s’agissait de :
* renforcer les capacités des ONG à analyser les questions relatives à la problématique des filles domestiques à la lumière des valeurs et principes de droits humains universellement acceptés,
* accroître les capacités des ONG à organiser et à conduire des activités d’éducation en droits de la personne afin de promouvoir et de défendre les droits des filles domestiques,
permettre aux ONG d’échanger leurs expériences afin d’enrichir les pratiques et de faciliter les activités de réseautage et de partenariat.
Stratégie de mise en oeuvre
Elle s’articule autour de plusieurs points. Ce sont :
l’analyse globale de la situation des filles domestiques afin de mieux appréhender le phénomène. Ce qui exige une implication de tous les acteurs (Etat, ONG, Société civile) ;
la connaissance des outils juridiques à travers la formation des partenaires afin de mieux intégrer l’approche droit dans toutes les activités concernant les bonnes ;
le plaidoyer à tous les niveaux en vue de permettre une prise en compte des droits socio-professionnels.
Résultats atteints
appropriation de la convention relative aux droits des enfants, des conventions du BIT sur le travail des enfants, de la convention sur les droits des femmes et de la législation nationale ;
organisation des activités d’information et de sensibilisation sur les droits des bonnes ;
début de réseautage entre les différents partenaires à travers des échanges sur les stratégies d’intervention.
Cet atelier a permis d’évoquer la situation des bonnes à un niveau régional. Il a permis aux ONG d’avoir une meilleure connaissance des causes justificatives du travail des petites filles, qui sont surtout la pauvreté et le manque d’éducation. Cependant ces facteurs ne doivent constituer une excuse pour disculper ni les parents, ni les employeurs, ni les tutrices c’est à dire les pupilles et agences de placements car toutes et tous tirent profit du travail des petites filles utilisées comme ’’bonnes’’. A cet égard il est permis de dire qu’ils ont une part évidente de responsabilité dans la situation dramatique des petites filles.
Pour contribuer à atténuer ce fléau à défaut de pouvoir l’éradiquer, nous estimons qu’il est nécessaire de renforcer la sensibilisation et l’éducation en droits de la personne en ciblant tous les acteurs impliqués dans la chaîne : parents, tuteurs, employeurs, petites filles, autorités et institutions de promotion, de défense et de protection des droits de la petite fille . Ceci permettra de mieux baliser le terrain de manière significative dans la lutte contre cette pratique dégradante très voisine de l’esclavage que vivent les petites filles utilisées comme bonnes à tout faire en ville contre un salaire de misère attendu du reste par leur famille au village, en contribution à la lutte contre la pauvreté.
Au demeurant la problématique du travail des petites filles comme ’’bonnes’’ nous permet et nous amène à relancer le débat sur l’importance et la nécessité d’harmoniser les Conventions internationales avec les législations nationales mais aussi à développer des stratégies adaptées d’application des dispositions et enfin des mécanismes de suivi, de contrôle et de sanction par rapport à la question des droits de la personne en général et de la petite fille en particulier.