By BAVUGA Léandre, NSHIMIRIMANA Donna-Fabiola
La Sierra Léone connaît la guerre pratiquement depuis 1991 lorsque Charles Taylor, alors chef de la rebellion libérienne, ouvre un second front dans ce pays . Ce dernier sert à cette époque, en effet, de base arrière aux forces de l’ ECOMOG (force ouest-africaine d’ interposition). Entre 1991et1999, cette guerre a emporté plus de 75000 vies, poussé plus de 2 millions à l’exil et transformé en déplacés plus de la moitiié des 4.5 millions d’ habitants de ce pays. Les causes de ce conflit sont certes multiples mais la principale est la lutte pour le contrôle des diamants.
Les racines de ce conflit remontent aux années1930 . C’est en effet cette année que le premier diamant est découvert en Sierra Léone. En 1935, donc, cinq ans après la découverte du diamant, les autorités coloniales signent avec la De Beers une entente accordant à cette société les droits exclusifs de production et d’ extraction diamantifère pour une durée de 99 ans .
Plus tard l’administration coloniale met en place un programme de vente de licences d’ exploitation minière aux autochtones. Ces licences vont tomber en grande partie dans les mains des commerçants libanais.
Cependant parallèlement aux activités une production minière illégale va voir le jour et se développer . Ainsi le nombre de mineurs illicites était estimé à 55000 en 1956 dans la région de Kono , coeur diamantifère du pays . Selon les chiffres officiels de 1930 à 1999, 55 millions de carats d’ une valeur de 15 milliards de dollars ont été extrait de Sierra Léone .
Dès qu’il devient premier ministre en 1968 , Siaka Stevens fait de la question des mines un enjeu politique national. Il encourage les extractions illicites et en 1971, il nationalise la De Beers Leone Selection Trust (SLST) . Toutes les grandes décisions relèveront désormais du premier ministre et de son bras droit Jamil, un homme d’affaires libanais. Ainsi lorsque la guerre éclate , des batailles rudes vont se dérouler autour des régions diamantifères. Le diamant étant non seulement un objectif mais aussi le fuel de la guerre. A la fin des années 90 , la Sierra Leone deviendra un grand centre de trafic de diamants reliés aux commerces des armes et de drogue. Avec le dépérissement de l’ Etat , des sociétés minières vont débarquer attirées par les diamants . Certaines sociétés sont liées des entreprises d’armement comme Executive Outcomes ou Sandline. Ces sociétés vont approvisionner les différentes factions en guerre . Le paiement se fera en dollars et en concessions minières futures. Après la chute de Stevens, la junte militaire au pouvoir fera appel à Outcomes pour repousser l’ offensive des rebelles du Front Révolutionnaire Uni ( RUF). Le résultat sera la récupération des régions minières et la construction d’ un cordon sanitaire autour de la capitale . La société canadienne qui avait présenté Executive Outcomes au gouvernement sierra léonais sera récompensé d’ un bail de 25 ans pour des concessions de diamants. Ainsi , les coups de force qui se succèdent vont toujours être appuyés ou même initiés par ces types de société qui voient en leur soutien un moyen d’ asseoir leurs entreprises et probablement d’éliminer les éventuels concurrents . Même le Nigéria lorsque, en 1998 en collaboration avec Sandline et l’ ECOMOG il remet au pouvoir Tejan Kabah ,a parmi ses mobiles l’ accès aux diamants sierra léonais .
La crise sierra leonaise risque de durer encore car ses racines sont multiples . La Sierra Leone ne connaîtra la stabilité et l’Etat de droit si des stratégies au niveau local, national et international sont dégagées. La lutte passera notamment par la lutte contre le trafic des diamants et la redistribution sociale des bénéfices de l’ extraction minière.