By BA, Pape Mamadou (March 2003)
La région de Kolda, au sud du Sénégal, est réputée être l’une des plus pauvres des dix régions du Sénégal. Cette situation est d’autant plus alarmante qu’avec le renforcement de la décentralisation, un certain nombre de compétences, désormais transférées aux collectivités locales, ne sont pas effectivement prises en charge par celles-ci. Ce principe de transfert de compétences n’est nullement mis en doute. Ce sont par contre les moyens financiers, techniques, organisationnels devant accompagner ce transfert qui posent problème. Autrement dit les collectivités locales de la région de Kolda, comme du reste la majeure partie des collectivités locales du Sénégal, n’ont pas les moyens de leurs compétences. La précarité des structures sanitaires et éducationnelles y est très alarmante. Pour preuve, Kolda a le taux de mortalité maternelle et infantile le plus élevé au Sénégal ; le taux brut de scolarisation n’y est pas reluisant : l’analphabétisme des adultes y est un fléau.
Tous ces facteurs font que Kolda constitue un pôle d’attraction privilégié des Organisations Non Gouvernementales (ONG). Un nombre très important de ces organisations intervient dans tous les secteurs d’activités comme la santé, l’éducation, la formation ou l’agriculture. elles contribuent de ce fait au développement et à la résolution des difficultés des populations.
« Aide et action » fait partie de ces ONG d’appui à l’éducation des enfants. Elle a financièrement et matériellement appuyé en 1997 une petite ONG de la communauté rurale de Bagadadji, située dans l’arrondissement de Dabo à 50 km de Kolda, dans la création d’un centre de formation de jeunes filles en rupture de scolarité.
En effet la carte scolaire de la localité n’est pas favorable aux jeunes filles qui sont pour la plupart du temps retenues à la maison pour des tâches domestiques.
Celles qui ont la chance d’accéder à l’école n’arrivent souvent pas à terminer le cycle du fait des conditions d’études encore plus difficiles pour les filles, et aussi à cause des pesanteurs socioculturelles comme les mariages précoces.
Dans un tel contexte, l’objectif du centre, à savoir la formation et l’insertion socioprofessionnelle des jeunes filles, augurait une belle et évidente réussite.
Cependant et contre toute attente, au bout de deux ans, des constats de dysfonctionnement et d’échec se firent jour et poussèrent « Aide et action " à se retirer du partenariat qui le liait a l’ONG de la localité.
Pour capitaliser l’expérience, « Aide et action » commanditât une étude pour faire le point. Celle-ci fit ressortir qu’en fait les populations n’étaient associées à aucun processus décisionnel dans le fonctionnement du centre. La gestion opaque, le repli sur soi, le refus d’impliquer les populations et la dissimulation ont effectivement caractérisé le fonctionnement du centre. Cette approche était un choix du responsable de l’ONG de la localité.
« On n’y connaît rien ! « . Ces propos du président des parents des auditrices du centre lors d’un entretien, sont révélateurs, a priori, des rapports qui liaient le centre à la communauté villageoise. Même le président de la communauté rurale s’est dit incapable de donner une quelconque information sur l’organisation et le fonctionnement du centre de formation.
Pourtant, une constante qui est ressortie des entretiens de terrains est la pertinence du projet de centre de formation de jeunes filles en rupture de scolarité en zone rurale, précisément dans la communauté rurale de Bagadadji. La formation dispensée concernait la couture, la teinture, le crochet, la savonnerie, l’alphabétisation et le renforcement en français et en calcul. Cette formation constituait donc une grande opportunité pour les jeunes filles de la zone. Le besoin était réel et les populations étaient prêtes à s’investir. Seulement, l’ONG n’a su ni écouter, ni comprendre, ni associer les populations qui sont les principaux acteurs de ce centre. Du fait que l’autorité locale et les parents des auditrices n’ont pas été associés la communauté villageoise a tourné le dos.