Bilan de la première année, Avril 2006 – mai 2007
By Anne Huduin, équipe de Pilotage de l’atelier de capitalisation (Ouagadougou, June 2007)
INTRODUCTION
Quatre communes de la sous-région - Sirakorola au Mali, Boromo au Burkina Faso, Say au Niger et Les Aguégués au Bénin, l’association burkinabè Laboratoire Citoyennetés (LC) , l’organisation néerlandaise de développement « SNV », les instituts de recherche le LASDEL au Niger et au Bénin, l’ISH au Mali et le pôle recherche du Laboratoire Citoyennetés au Burkina, se sont engagées mi 2006 dans une démarche de recherches et d’actions pour améliorer les services publics locaux.
Un défi
Le projet relevait d’une gageure :
• Elaborer et mener un programme de recherche et d’actions dans un temps très court (moins d’un an) avec une perspective de poursuivre le processus ;
• Intervenir dans quatre communes de quatre pays différents ;
• Analyser une thématique peu étudiée : la fourniture des services publics au niveau local ;
• Conjuguer plusieurs ambitions : produire des recommandations nouvelles en direction des communes, appuyer les équipes locales de la SNV dans leur travail, mettre les équipes de chercheurs en dialogue avec les acteurs et susciter des nouvelles manières de voir et d’agir des acteurs des communes, des équipes de la SNV et des équipes de recherche;
• Composer avec un contexte de construction administrative et politique des communes, peu réceptives à ce type d’intervention…
Au terme de cette première phase exploratoire, un atelier de deux jours a permis aux acteurs du programme de mutualiser les résultats des recherches et les perspectives futures. Il a été suivi, le 24 mai 2007, d’une journée de partage des conclusions avec les parties prenantes aux processus de réformes des quatre pays concernés – associations de municipalités, ministères chargés de la tutelle, ministères chargés des réformes, partenaires techniques et financiers – et d’autres représentants de la communauté des chercheurs. Chacun a pu apprécier le potentiel des résultats et de la démarche, le mettre en parallèle avec ses propres actions et donner son avis sur les propositions de suite du programme.
Le rapport de capitalisation en cour de finalisation rend compte de manière synthétique les résultats des recherches et des débats de l’atelier de mai 2007, en vue de partager, de mettre en forum et d’introduire à une proposition de poursuite de ce programme.
Historique du programme
Le programme trouve son origine dans une idée de programme de recherches du LASDEL Niamey sur « l’Etat local » au Niger, au Burkina, au Mali et au Bénin. Les deux institutions africaines ont des objectifs et des appuis en commun ainsi que des approches complémentaires : LASDEL privilégiant la recherche , suivie de l’action, ACE-RECIT privilégiant la mutualisation de la recherche et de l’action en parallèle. Après plusieurs missions et échanges, il a été décidé que chacun se mettra à la disposition de l’autre pour les activités de recherche menées dans sa zone d’intervention et que chacun suivra sa propre approche en matière d’action.
Le Laboratoire Citoyennetés a cherché et trouvé avec la SNV un partenaire ayant le renforcement des capacités des acteurs locaux comme objectif et partageant la vision de maîtrise d’ouvrage du processus de recherche et d’action locale par les communes. Les communes ont été identifiées et choisies en cours de missions préparatoires communes et d’ateliers fin 2005 et début 2006.
Une convention cadre Laboratoire Citoyennetés-SNV pour trois ans a permis d’entamer un programme d’amélioration des services publics locaux par la recherche et l’action, signée le 21 février 2006. Un contrat d’appui financier a été signé en avril 2006 pour une année. Quatre contrats tripartites ont été signés au cours de juin 2006 entre les communes engagées, les bureaux nationaux de la SNV et le Laboratoire Citoyennetés.
Une rencontre des responsables des équipes de chercheurs avec LC et la SNV-AOC a eu lieu début juin 2006 pour partager des informations sur les sites de la recherche, définir le thème commun, convenir des éléments de la méthodologie proposée, des échéances et des modalités techniques et financières. Les contrats avec les deux LASDEL et l’ISH ont été signés courant juillet 2006. Ainsi les recherches ont pu commencer sur le terrain en septembre 2006.
Objectifs
La convention cadre entre LC et SNV-AOC spécifie les objectifs suivants :
• Construire une meilleure connaissance des conditions et des effets de la délivrance des services publics au niveau local ;
• Contribuer à la mobilisation des capacités et des volontés locales pour les services publics répondant aux aspirations des citoyens ;
• Contribuer à des cadres d’échange d’informations et d’expériences en matière d’appui aux collectivités locales.
Au vu de sa stratégie 2007 – 2015, la SNV-AOC a souhaité que les thèmes de l’éducation, de l’eau, de l’assainissement et de la santé soient particulièrement mis en avant.
Dans le cadre des contrats tripartites le LC a pris des engagements plus spécifiques sur les thèmes de recherche et les communes se sont engagées à :
• Suivre les études à travers un comité constitué de personnes ressources qui fera des observations sollicitées et non sollicitées sur la conduite de la recherche ;
• Introduire les études, les résultats et les propositions en Conseil pour délibération sur les leçons à en tirer, ainsi qu’au Cadre de Concertation Communal et auprès de l’Association des Municipalités pour débat.
CONTEXTES NATIONAUX DU PROGRAMME
Généralités
Les quatre pays ont des frontières actuelles en commun, ont fait partie d’empires précoloniaux communs au cours de leur histoires, partagent des réseaux commerciaux formels et informels, des langues commerciales (Dioula, Haoussa, Yoruba), des cultes religieux, des coutumes et des relations de parenté. Ils ont été marqués par la colonisation française (langue officielle, unité monétaire, administration, culture de l’élite scolarisée, etc.).
En terme d’IDH, Mali, Niger et Burkina sont parmi les 4 pays les plus pauvres de la planète. D’où une grande importance des PTF dans les politiques de développement. Le revenu par habitant, les taux d’alphabétisation des adultes et les taux brut de scolarisation combinée sont les plus bas à l’échelle mondiale et en deçà de 50% de ceux de l’Afrique Sub-Saharienne. Ce qui limite autant la capacité des Etats de fournir de services publics, que la capacité des populations à s’en servir.
Les quatre Etats sont en phase de construction politique. Mais « contrairement aux idées reçues et malgré des lacunes profondes et variables suivant les pays dans le respect de certains droits civils et politiques, les habitants des différentes métropoles des quatre pays adhèrent massivement aux principes démocratiques, tout spécialement les plus pauvres. Ils ne veulent pas non plus que ce soient des experts, plutôt qu’un gouvernement démocratiquement élu, qui décident de ce qui est bon pour le pays ».
Le Bénin et le Mali ont connu un changement de gouvernement suite à des élections. C’est également au Bénin et au Mali que la décentralisation a été une revendication « des forces vives de la nation ».
Réformes de l’administration territoriale
Les quatre pays ont entamé des processus de réformes de la fonction publique à la fin des années 80, suivis de processus de décentralisation parallèles au début des années 90, suivis de processus de déconcentration administrative et sectorielle. Aujourd’hui les quatre pays ont une décentralisation intégrale et des circonscriptions administratives et sectorielles concordantes.
Le rôle clef de l’administration territoriale et l’importance du cadre spatial pour orienter et coordonner les actions de développement commencent à recevoir de l’attention. La réflexion sur la nécessité d’intégration verticale (sectorielle) et horizontale (territoriale) des cycles de planification et des cycles budgétaires aux niveaux nationaux, déconcentrés et décentralisés est à son début.
Les réformes nécessaires dans le domaine des finances publiques sont à peine amorcées. Le circuit de la budgétisation et son lien avec la planification ne sont abordés que par les ministères des finances et leurs partenaires au niveau national. Les ministères chargés de l’aménagement du territoire ne sont pas parties prenantes à part entière, les directeurs de service déconcentrés, les maires de communes non plus. Ils ne connaissant pas leur budget intégral réel au début de l’année, ils reçoivent les premiers versements au milieu de l’année et ils ne peuvent plus rien dépenser les derniers mois de l’année…
Transfert des compétences
Le contexte institutionnel problématique de transfert des compétences constitue une grande contrainte dans le processus de la délivrance des services publics par les communes.
On note une forte politisation de la question du transfert de compétences entre le gouvernement central et les collectivités locales d’une part et d’autre part une compétition entre élus locaux, cadres des administrations sectorielles de l’Etat dont les attributions sont prévues pour être transférées aux communes et représentants des PTF.
La décentralisation de la gestion des investissements est bloquée en plus par les dispositions d’attribution des marchés publics et par la création d’agences de maîtrise d’ouvrage déléguée pour accélérer le rythme des réalisations. Ceci non pas à l’initiative des communes, mais de l’Etat central sous le prétexte que les communes ne disposent pas des compétences en ressources humaines pour assumer l’ensemble des fonctions de la maîtrise d’ouvrage. Les soucis de quantité et de qualité physique des ouvrages priment sur le souci d’apprentissage et d’appropriation communaux, nécessaires à une bonne gestion et utilisation.
Carences de droit appliqué dans les politiques publiques
La mise en œuvre des politiques publiques souffre en général des carences de droit appliqué (B.F Ouattara, 2007), qui comprend trois aspects :
• L’absence d’actes d’application pour permettre « l’atterrissage » des lois adoptées sur le terrain ;
• L’absence de structures institutionnelles d’exécution chargées de la mise en œuvre des textes ;
• L’absence d’appropriation de ses droits par le citoyen.
Contexte de la coopération
La dépendance de ces pays pauvres a pour conséquence que le gros des investissements est financé par les partenaires multi et bilatéraux dans le cadre de la coopération internationale. Une pression administrative d’épuisement budgétaire se conjugue à des exigences de procédures d’attribution de marché et de qualité de construction. Les services sectoriels ont tendance alors à privilégier le rythme et la qualité de construction des infrastructures au dépens des procédures et investissements en temps et argent pour assurer l’appropriation par les structures chargées de leur gestion, ne permettant pas d’assurer une offre de service fiable et durable. Certaines ONG et communes du Nord dans le cadre de la coopération décentralisée sont dans la même logique.
De manière générale les changements de politiques de coopération au rythme des élections, la pression politique des assemblées sur les ministres de la coopération et des ministres sur leurs agents créent un contexte de gestion financière et technique à horizon court. La définition des résultats en amont et l’obligation de résultats en aval, définis au niveau national sinon au Nord, ne sont pas propices à l’apprentissage institutionnel, organisationnel et individuel où le changement a un horizon à long terme.
Certains efforts des PTF à monter des projets ou programmes qui impliquent davantage les populations dans le cycle des projets, créent souvent des structures parallèles et des découpages administratifs également peu propices au renforcement institutionnel des structures pérennes de l’Etat souverain.
Finalement les appuis budgétaires nécessitent la formulation d’indicateurs de suivi avec des niveaux à atteindre pour permettre le déblocage des fonds. Le choix et la formulation de ces indicateurs se fait au niveau national sans traduction à l’échelon local et donc sans enracinement dans les esprits et réalités des producteurs et usagers des services publics que l’appui finance.
Cette fiche est extraite du rapport de capitalisation en cours de validation par les parties au programme. il est donc d’usage. Le document final sera mise à disposition une fois validée.