Inscription du nouveau concept de l’assainissement écologique dans les pratiques des habitants de la Commune VI

L’assainissement écologique est une approche développée assez récemment, mais qui commence à s’épandre dans de nombreux pays. Deux éléments principaux caractérisent cette approche :

• Elle préconise des systèmes d’assainissement décentralisés par rapport à des systèmes collectifs d’égouts pour l’évacuation des déchets liquides humains.

• Elle est basée sur la séparation des cycles de l’eau d’une part et des nutriments contenus dans les déchets d’autre part, et recherche des techniques de valorisation de ces nutriments pour l’agriculture.

Des toilettes ECOSAN (terme pour assainissement écologique) séparent l’urine, les fèces et les eaux de lavage anal pour hygiéniser les éléments séparément et les utiliser ensuite comme fertilisants dans l’agriculture.

En Commune VI, un projet d’assainissement écologique a été initié en décembre 2005 à travers le Comité de Gestion et de Valorisation des Déchets en Commune VI (COGEVAD), un cadre de concertation communal qui regroupe tous les acteurs intervenant dans l’assainissement dans la commune. COGEVAD, qui a depuis sa création en 2000 œuvré pour une plus grande valorisation des déchets solides organiques en compost, est venu ainsi naturellement à la question comment on peut également valoriser les déchets liquides en fertilisant et amendement du sol naturel.

L’idée de valoriser les déchets (solides et liquides) pour l’agriculture est bien ancrée dans les habitudes de la population de Bamako et ses environs. Une multitude de maraîchers cultivent dans la Commune VI, particulièrement au bord du fleuve Niger, au bord des marigots et dans les quartiers périphériques qui ont un caractère semi-rural. Pendant la saison des pluies beaucoup de ces agriculteurs urbains cultivent également des céréales comme le mais et le mil. Actuellement, la plupart de ces maraîchers fertilisent leurs plantes avec du terreau, qui est issu des déchets solides qui sont tamisés pour en soutirer les éléments organiques. Les agriculteurs dans la périphérie de la ville payent entre 2000 FCFA et 5000 FCFA pour un camion de déchets solides bruts, qu’ils trient ensuite pour utiliser la partie organique. Les boues de vidange transporté par les camions spiros en dehors de la ville sont également utilisées comme fertilisant. Seulement, les risques liés à ces fertilisants naturels qui découlent du fait qu’ils n’ont pas été hygiénisés (p.ex. par compostage) et contiennent ainsi des germes qui mettent en danger la santé des consommateurs des produits ne sont pas bien connus par les agriculteurs.

De plus en plus, les maraîchers et agriculteurs utilisent également des fertilisants chimiques (p.ex. urée), qui ont cependant des coûts non négligeables et contribuent à l’appauvrissement des sols.

Ce contexte semblait favorable au COGEVAD pour diffuser le concept de l’assainissement écologique qui pourrait contribuer à améliorer la situation sanitaire dans la commune et en même temps servir à améliorer la qualité des sols pour augmenter les revenus des agriculteurs urbains et péri-urbains.

Pour ce faire, COGEVAD a préconisé, comme d’ailleurs dans toutes ses activités, une approche participative, en créant un sous-comité qui était composé des services techniques (service assainissement, voirie, brigade d’hygiène, service agriculture), d’un représentant de la Mairie, ainsi que des comités de salubrité et des maraîchers de la Commune. Le projet s’est focalisé sur les maraîchers de la Commune, car ce sont eux qui peuvent au mieux apprécier l’utilité d’un tel système et utiliser eux-mêmes les sous-produits des toilettes ECOSAN. Sur la base de cet intérêt, ils seront mieux indiquer aussi d’accepter le changement de comportement nécessaire dans l’utilisation des toilettes à construire. Comme les toilettes ECOSAN ont un dispositif de séparation des urines, des fèces et des eaux de lavage anal, une forte discipline est indiquée dans l’utilisation et l’entretien de ces nouvelles toilettes. Egalement, des réticences par rapport à la manipulation des urines et des fèces, même en état hygiénisé, devraient être surmontés. La culture et la religion musulmane ne facilitent pas un échange franc et la manipulation ouverte des excréta humains. Mais des formations multiples avec des groupements de maraîchers et l’implication d’animateurs dans les différents quartiers visés ont contribué à atténuer les réticences existantes. Dans ces formations, un accent a été mis sur les problèmes du système actuel d’agriculture. Les maraîchers ont soulevé et affirmé eux-mêmes des problèmes liés aux engrais chimiques, qui sont le fort besoin en eau des plantes fertilisés avec l’urée, la nécessité de fertiliser de nouveau à chaque saison et le coût élevé des engrais. En outre, il a été affirmé que les légumes issus de ces plantes ne se conservent pas bien et ont un goût moins bon qu’avec les fertilisants organique.

Un an après la construction des premières toilettes ECOSAN, on constate une situation mitigée. Il s’avère que les efforts de sensibilisation doivent être intensifiés, car certains utilisateurs n’ont pas encore surmonté leurs réticences envers le nouveau système ou ne font pas assez d’efforts pour utiliser et entretenir les nouvelles toilettes de façon appropriée. Cependant, les maraîchers qui ont commencé à utiliser les urines issus des toilettes ECOSAN, soit comme fertilisant direct soit dans le compostage, ont pu constater l’utilité du système et sont même pressés d’avoir d’autres toilettes ECOSAN pour couvrir leurs besoins en fertilisants.

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Le projet a démontré que l’introduction d’un nouveau système sanitaire n’est pas facile à réaliser s’il requiert des changements dans les habitudes ou les convictions culturelles/ religieuses des populations. Mais il peut réussir s’il part des éléments favorisant l’introduction et se focalise en premier lieu sur un noyau de personnes qui comprennent l’utilité du système sur la base de leurs expériences (ici les maraîchers qui voient l’utilité des sous-produits ECOSAN).

Notes

Dossier: délivrance du service public

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