Le choc entre institutions traditionnelles et institutions étatiques.

Quand la légitimité du chef traditionnel de Bafilo s’impose à la légalité du préfet de la localité.

Bafilo est une préfecture de la région centrale du Togo située au nord de Sokodé, la deuxième ville du pays. Le principe de l’organisation politique traditionnel était la décentralisation. La localité a été longtemps organisée en chefferies de villages avec une gestion autonome sous un chef supérieur appelé « Ouro Isso » qui veut dire : roi-Dieu.

Le roi-Dieu est désigné par un collège de sages après un débat contradictoire entre plusieurs candidats. Dans les localités tém, seuls les citoyens du clan Mallah assument la charge de roi-Dieu depuis plusieurs siècles. Ceci est accepté les populations qui accordent à la parole du roi-Dieu un crédit extraordinaire.

Ouro Isso IRATEYI régnait comme chef supérieur à Bafilo.

Ses rapports avec les institutions publics (maires, préfets, Ministres, Président de la République dont il était contemporain) ont été des plus tumultueuses. Considéré comme l’un des derniers dignes représentants de la chefferie traditionnelle tém par les populations, Ouro Isso IRATEYI ne concevait pas, en dehors du chef traditionnel, une institution ayant la légitimité pour parler au nom des populations et pour rechercher l’intérêt de celles-ci.

En effet, pour lui, le chef de l’Etat était le premier responsable du pays mais au niveau de Bafilo, c’est lui qui passe avant toute autre autorité.

Une rencontre est organisée par le préfet sur la grande place de la préfecture. Toute la population de la ville est conviée à la réunion.

Ouro Isso IRATEYI arrive « en retard ». Le préfet à déjà procédé à l’ouverture de la réunion comme autorité suprême de la préfecture. Le chef « en retard » fait son apparition avec toute son escorte (conseillers, sécurité et tam-tam). C’est de cette façon que l’on conduit le chef dans la culture tém. Le rythme est spécifique. L’assistance cède place, le chef entre et se dirige vers la place qui lui est réservée. Les tam-tams accompagnant le chef perturbent la rencontre et le préfet se voit obligé d’arrêter son discours.

Les tam-tams se sont tu. L’interprète de la préfecture introduit le chef qui refuse d’occuper son siège. Il s’adresse d’abord à l’interprète en ces termes : « Dis à ton préfet qu’il est un toquet. » L’interprète confondu ne pu transmettre ce message au préfet. Il n’a donc pas fait de traduction au préfet. Mais visiblement, le chef était très énervé par le fait que le préfet ouvre une rencontre avant son arrivée. Ayant remarqué que l’interprète a des difficultés pour traduire son message, il ajoute à l’endroit de ce dernier: « Vous êtes les mêmes ».

Ensuite, il s’est adressé à l’assistance en deux phrases : « La réunion est close. Que chacun rentre chez lui. » A ces mots, la population se disperse et chacun va vaquer à d’autres occupations.

Dans l’après-midi, le préfet va voir le chef dans son palais pour lui présenter ses excuses qui furent acceptées. La réunion fut reprogrammée et cette fois, elle a eu bel et bien lieu. Le préfet a pu passer son message en présence du chef traditionnel.

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Mettre le chef traditionnel « out processus », c’est mettre les populations « out processus ». Or c’est avec elles que le développement se fera.

Même l’interprète du préfet qui émarge sur le budget de la préfecture ne peut aller contre la volonté du chef. Mais en même temps, il ne peut reprendre les mots désobligeants du chef à l’adresse du préfet. Il est pris entre deux pouvoirs qu’il est obligé de respecter.

Mais pour la population, le message du chef prime celui du préfet. En cas de contradiction entre le message du préfet et celui du chef traditionnel, le message du chef traditionnel est privilégié.

Une collaboration et une concertation entre les différentes légitimités au niveau local est donc indispensable pour un développement inclusif.

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