Les limites des responsabilités du chef de village
Par NDIAYE, Bathie (Kayemor, août 2008)
Dans la période précoloniale, le chef de village était sous les ordres du Boumi, titre du roi de Kayemor (actuelle Communauté rurale dans le département de Nioro), lui-même vassal plus ou moins du Bour Saloum, territoire plus vaste (actuelle région de Kaolack).
Pendant la période coloniale, le chef de village, qui dépendait administrativement du chef de canton recevait de l’administration coloniale une prime de rendement au prorata de sa capacité de recouvrement de l’impôt de capitation et bénéficiait d’autres avantages sociaux.
Donc, avant l’indépendance, du fait de sa position sociale, le chef de village était un homme craint, voire respecté. Car, il était souvent l’héritier légitime des chefs de l’ancienne aristocratie. Et, à ce titre, il était incontournable pour le colonisateur. C’était vraiment l’époque où le linge sale se lavait en famille dans la solidarité. La hiérarchie était respectée ; on ne brûlait pas les étapes pour atteindre le sommet.
Le chef de village vit aujourd’hui, en quelque sorte, sa troisième cohabitation sous l’ère de la décentralisation. En effet, ses prérogatives formelles sont liées aux décisions du Conseil Rural (organe délibérant de la communauté rurale composé de 32 conseillers) et atténuées par la légitimité de multiples marabouts. Sa mission est très lourde et pleine de futilités, et dès fois dangereuse. Il ne bénéficie d’aucun avantage, ni du côté de sa population, ni du côté des autorités exécutives. En effet, il ne sert qu’à inaugurer les chrysanthèmes. Et pourtant, il a comme charge :
d’héberger obligatoirement toute personne étrangère désireuse de passer la nuit dans le village, si elle est munie de sa pièce d’identité nationale ;
d’héberger et nourrir toute personne étrangère en quête de travail pendant au minimum trois jours ;
d’accepter de garder, pour le service des douanes, des marchandises frauduleuses et charrettes saisies lors des tournées ;
de faire la collecte de la taxe rurale et la verser au niveau du trésor public, à ses propres frais (transports, restauration, etc.).
Malgré tous ces efforts, il n’a ni qualité, ni la possibilité d’assister à une quelconque réunion de vote du budget du conseil rural et n’en reçoit même pas le compte rendu. C’est d’autant plus grave lorsque le chef de village a la malchance de ne pas être membre du même parti politique que le Président du Conseil Rural.
Les points cités ci-dessus ont fait que 80% des chefs de villages reconnus juridiquement ont préféré léguer leurs missions à leurs petits frères ou fils.
Ainsi donc avec la décentralisation, le conseil rural monopolise de fait toutes les importantes compétences et activités. Tout y passe et tarde à atteindre les acteurs à la base.
Pour remédier à toutes ces lacunes, il urge d’examiner les recommandations ci-après :
Les agents du trésor public doivent se déplacer pour prendre l’argent recouvré par les chefs de village après communication téléphonique ;
Les chefs de village méritent au moins de recevoir le compte rendu du vote du budget par le conseil rural ;
La remise du pourcentage du recouvrement dévolu aux chefs de village doit être faite à temps. Le taux de recouvrement pour cette remise doit prendre en compte aussi le droit de bornage en tant que membre d’office de la commission domaniale ;
Le chef de village doit être membre d’office de toute commission existante dans son terroir ;
Il doit apposer sa signature sur les bulletins de naissance et les certificats de décès ;
L’Etat doit quelque fois venir en aide au chef de village en nature ou en espèce.
Le canton, à l’instar de la subdivision et du cercle, faisait partie des structures administratives coloniales. C’était un « territoire » aux limites déterminées par des données spécifiques, historiques et sociologiques.
Le chef de canton avait essentiellement pour fonctions :
le recensement administratif de la population ;
le recouvrement forcé de l’impôt ;
le recrutement des soldats pour l’armée coloniale ;
la mobilisation de la main d’œuvre indigène pour les travaux forcés.
Le marabout est un chef religieux issu le plus souvent d’une des confréries musulmanes du Sénégal.