Plaidoyer pour une gestion démocratique du personnel enseignant
Par DEME, Adama (Nioro du Rip, septembre 2008)
Jusqu’en 1980, la répartition du personnel enseignant à travers le pays et les affectations à des postes de responsabilité relevaient exclusivement des agents du Ministre de l’Education nationale ou de autorités académiques au niveau des régions et des départements. Ainsi, ces mouvements du personnel enseignant reposaient peu ou prou sur le clientélisme et le favoritisme, excluant de fait les véritables acteurs sociaux concernés. Ils servaient même de prétexte pour sanctionner des syndicalistes jugés récalcitrants ou non inféodés au pouvoir exécutif, par des affectations arbitraires préjudiciables à des familles innocentes. Du reste, ces pratiques antidémocratiques avaient été, entre autres motivations, à la base de la fameuse grève déclenchée, en 1980, par l’unique syndicat d’enseignants du Sénégal, à savoir le Syndicat Unique et Démocratique des Enseignants du Sénégal dont le sigle est SUDES. Les syndicats d’enseignants d’alors, conscients des enjeux de l’époque (s’unir et lutter contre l’arbitraire) se battaient essentiellement pour une gestion démocratique du personnel enseignant ; l’objectif consistant à impliquer les enseignants dans la gestion de leur plan de carrière, de leur affectation par le biais de commissions paritaires. Il fallait fixer un certain nombre de critères objectifs de compétences pour pouvoir accéder à tel ou tel poste. Par la suite, les conclusions des « Etats Généraux de l’éducation et de la formation » consacrèrent définitivement ce mode d’affectation du personnel enseignant. Suivant deux sortes de mouvements : d’une part, le mouvement national, compétition à un poste à l’échelle nationale et, d’autre part, le mouvement régional, compétition sur des postes déclarés vacants lors du premier mouvement. Dans ces deux instances de mutation, toutes les parties prenantes étaient représentées pour assurer une meilleure transparence dans les affectations du personnel enseignant. Ce qui avait permis de réduire sensiblement les marges de manœuvres parfois politiciennes des autorités qui, naguère, procédaient à des mutations non motivées du personnel ainsi que des ordres de service de complaisance signés en dehors du circuit officiel. C’est ainsi que par la suite, il était rare de voir un inspecteur se plaindre du déficit de personnel provoqué par le simple fait que, bien après la mise en place du personnel, des agents parvenaient néanmoins à se faire établir des ordres de service en haut lieu.
Mais, qu’en est-il de la situation actuelle ?
Aujourd’hui, les postes d’inspecteur d’académie ne font plus l’objet de compétition mais sont attribués sur la base de simples nominations par décret. De plus en plus, nous assistons à une remise en cause de la gestion démocratique par des actes administratifs. Ce qui laisse la porte ouverte au népotisme et au clientélisme.
Par ailleurs, la gestion démocratique du personnel telle qu’alors voulue par les syndicalistes doit, à présent, être repensée, réadaptée en fonction des enjeux du P.D.E.F. (Programme Décennal de l’Education et de la Formation), quant à l’affectation des postes de responsabilité académique ou de chef d’établissement.
En effet, force est de reconnaître que la gestion démocratique, même si elle reposait, dans un passé récent, sur des critères de transparence et d’équité présentait tout de même des limites réelles. Eu égard aux objectifs du PDEF : accès ; qualité et gestion, il faut se rendre à l’évidence que le seul critère jusque -là retenu pour juger, à savoir l’ancienneté ou le grade, ne devrait plus suffire pour départager des candidats à des postes de direction ou de responsabilité particulière car, on peut bien être gradé donc jouir d’une ancienneté avérée et ne pas disposer de capacités managériales :
pouvoir rendre attrayante l’école et faciliter son accès ;
créer les conditions de rendements internes et externes pour optimiser la qualité et la gestion.
Donc, en ce qui concerne les postes de responsabilité, d’autres critères d’ordres éthique, déontologique, managérial doivent pris en compte. Par exemple, en combinant ce qui précède à l’expérience et au grade.
Cet exposé narratif montre que les avancées démocratiques, en général et syndical en particulier, ne sont jamais irréversibles. D’autant qu’avec l’émiettement actuel des centrales syndicales d’enseignants- une pléthore de syndicats souvent hostiles les uns aux autres -, le rapport de force quelque peu en faveur du pouvoir central peut prédisposer ce dernier à privilégier les agents dévoués à sa cause. Sur des bases personnelles, partisanes et de politique politicienne.
Tout cela illustre que le service public, notamment l’Ecole, s’éloigne peu à peu de ses fondamentaux : impersonnalité, intérêt général, vertus, éthique, vocation, promotion non liée aux considérations partisanes, ni philosophico religieuse, etc.
Et l’Etat, dans sa mission régalienne, a l’obligation de consolider les bases d’une gestion démocratique de tous personnels, gage d’une bonne gouvernance. D’où nécessité pour les syndicats de se départir des considérations épidermiques et corporatistes, en vue de créer une dynamique unitaire pour le triomphe d’une école du développement, pilier d’une société plus juste. C’est la condition nécessaire pour parvenir à influer sur les pouvoirs centraux et décentralisés et à améliorer les conditions de vie et de travail dans l’intérêt supérieur de l’institution.
Etats généraux de l’éducation et de la formation : instance créée par l’Etat sénégalais et convoquée du 28 au 31 janvier 1981, dont l’objectif était de proposer des réformes en profondeur du système éducatif sénégalais
P.D.E.F. : Programme décennal de l’éducation et de la Formation, un programme appuyé par les bailleurs de fonds internationaux.