Par DAFF, Sidiki Abdoul (2000)
Notaire est un quartier de 799 maisons située dans la Commune de Guédiawaye, près de Dakar, où existent d’innombrables associations féminines. Les plus nombreuses sont des regroupements de type traditionnel appelé en langue locale mbootaay. Ce type de regroupement rassemble des femmes unies par des liens de parenté ou de proximité. Il organise un systéme de solidarité par des cotisations en espèces ou en nature (savon, lait etc.)distribuées aux participants à tour de rôle ou en fonction des urgences du moment (maladie, baptème, décès etc.).; Le mbootaay a principalement une fonction de lien social. Mais devant les difficultés économiques consécutives aux plans d’ajustement structurel avec leur cortège de licenciements de travailleurs, de hausse de prix des denrées de première nécessité et de compression des dépenses à caractère social (éducation, santé etc.), une partie du regroupement décide, tout en restant membres, d’investir le secteur économique en s’érigeant en Groupement de promotion féminine (GPF).; Une contribution mensuelle de 500 cfa (5ff)par membre permet au GPF d’ouvrir un compte bancaire. Chaque membre du GPF est financé individuellement pour développer des activités économiques (commerce, confection d’objets d’art etc)et le taux d’intérêt au remboursement est de 10 % . Pour « capaciter » ses membres, le GPF organise des sessions de formation en tricotage, en teinture sur tissu, en alphabétisation pour qu’ils puissent eux mêmes tenir leur comptabilité.; Progressivement, le GPF intègre de nouvelles activités non économiques comme les causeries sur les maladies sexuellement transmissibles, le code de la famille, l’ouverture d’une garderie d’enfants pour la progéniture des membres etc. Ces activités se font avec l’appui de certaines ONG. Avec la détérioration des conditions sociales consécutivement à la dévaluation du franc cfa et à la baisse des ressources financières destinées à l’éducation, le GPF élargit son champs d’activités en prenant en charge la question de l’éducation. Ainsi pour faire face à la crise qui frappe l’école et dont les manifestations les plus visibles sont la baisse de la scolarisation, l’augmentation des échecs aux examens et le délabrement de la seule école du quartier, le GPF mène une campagne pour la scolarisation des jeunes, particulièrement des filles qui sont les plus touchées par la crise scolaire. Il s’investit dans la réfection de l’unique école en mobilisant les autres associations du quartier et certaines ONG pour la mise en place de points d’eau potable et de sanitaires destinés aux 2109 élèves de l’école. Le GPF justifie ces activités par le fait que les membres sont les mères des enfants donc elles ne peuvent rester passives devant la dégradation accélérée de l’environnement scolaire.
La dichotomie économique et social est un non sens car il y a une imbrication étroite entre les deux. Cette compréhension se manifeste par le développement en arborescence des activités du GPF, qui en partant de la construction du lien social à travers le mbootaay et d’un prétexte économique, est obligé de développer des actions d’intérêt public comme la scolarisation, la prévention contre certaines maladies, la problématique de la scolarisation, de l’échec scolaire et la réhabilitation du service public en l’absence de réaction de l’Etat. Ainsi le GPF par ses activités développe une action citoyenne en articulant les niveaux privés et publics c’est à dire un cadre à caractère privé s’occupant d’une forme de gestion du service public. Ainsi le GPF refuse de s’inscrire dans une vision tronquée de citoyenneté qui dissocie lien social et citoyenneté. La citoyenneté est un tout.
Fiche du dossier préparatoire au forum des habitants qui s’est tenu à Windhoek, Namibie (12-18 mai 2000)dans le cadre du sommet Africités.