La paix du collier et de la canne sacrés à Niamtougou dans la préfecture de Doufelgou.
Par Tikpi Atchadam (Lomé - Togo, janvier 2007)
Située au nord-est du Togo la préfecture de Doufelgou est la région habitée par les Naoudeba et les Lamba. C’est une préfecture moyenne en termes de superficie et de population. Elle se trouve sur la frontière avec le Bénin.
Les Naoudeba sont un peuple frontalier et se retrouvent au Bénin (nord-ouest) où ils sont appelés Tamberma. Ce peuple est responsable d’une architecture aujourd’hui classée au patrimoine de l’Humanité.
Deux institutions nous intéressent ici : le « Santa » et le « Tchonto » chargés d’assurer la paix par la canne et le collier sacrés.
Le « Guotia » (le pluriel donne Guotiba) et le « Santa » (le pluriel donne Santba) sont des institutions fondamentales dans l’organisation sociale des Naoudeba. Elles sont encore respectées de nos jours dans la localité.
Le « Guotia » est chargé de régler les conflits sérieux, parfois quand le chef coutumier est dépassé. Il a le dernier mot pour réconcilier les parties en conflit. On est « Guotia » pour la vie. C’est une charge réservée à certaines familles qui la transmettent à leurs descendants.
Le « Santa » , contrairement au « Guotia » , est une charge qui passe de famille en famille. Il a un mandat de dix ans (aujourd’hui ramené à huit ans). Il a la compétence pour arrêter les conflits dès qu’ils naissent, empêchant ceux-ci de prendre des proportions difficiles à gérer. Les « Santba » sont choisis pour leur comportement exemplaire dans la société. Ils sont reconnus comme non agressifs et pacifistes.
En cas de conflit entre des individus ou groupes d’individus, dès que le Santa est informé, il se transporte sur les lieux, sans adresser un mot aux parties, il dépose la canne ou le collier sacré dont il est détenteur. Ce geste seul suffit à arrêter le conflit. En fait, le conflit est suspendu jusqu’à son règlement devant les instances compétentes. Parfois la seule apparition du Santa suffit à arrêter le conflit, car les parties en conflit qui ont amené le Santa à déposer sa canne ou son collier sacré sont chargées de ramener le collier ou la canne jusqu’à lui et sont condamnés à une amende ( en nature ou en argent) pour ce trouble à la paix.
Les Lamba partagent le même territoire avec les Naoudeba et vivent dans une parfaite symbiose au point où il est difficile pour un visiteur de les distinguer. Au-delà du fait que les Lamba parlent une langue très proche du tém, langue de la région centrale du Togo de laquelle ils sont distancés de centaines de kilomètres, ils ont les mêmes institutions que les Naoudeba.
Ainsi, pour les Lamba, le Tomparma correspond au Guotia et le Tchonto au Santa. Ils ont les mêmes attributions et la même durée de mandat.
En fonction de la taille du village, on peut compter cinq à dix Tchonto. Fait d’intérêt majeur, un Tchonto peut suspendre un conflit entre Lamba et Naoudeba et un Santa est compétent pour suspendre un conflit entre Naoudeba et Lamba. Les deux groupes ethniques ont trouvé le moyen de rendre cette institution profitable à leurs deux communautés pourtant différentes.
Ce cessez-le- feu traditionnel est en recul à cause de la modernité qui fait que les jeunes refusent de plus en plus de se soumettre au rituel d’initiation devant faire d’eux des Santa et des Tchonto.
En tout cas, nos sociétés modernes pourraient tirer des leçons de ce dépassement de la diversité pour rendre applicables des coutumes positives à différents groupes ethniques.