A Bafoussam, les populations du quartier Bamendji créent un groupe d’autodéfense.
Par GUENSU, Bertrand Serges (2002)
Jadis, Bafoussam était une ville dynamique, calme et paisible. Mais, depuis l’avènement du multipartisme(1990) sur l’échiquier politique, elle est devenue un foyer de tension. La population, juvénile (sous scolarisée dans l’ensemble), entretient un scepticisme vis-à-vis de leur avenir.
Avec la dévaluation du Franc cfa en 1994, cette situation s’est aggravée. La misère qui côtoie leur quotidienneté est tout simplement pathétique. La ration alimentaire de ces jeunes donne à méditer. En général, leur petit déjeuner c’est quelques cigarettes, le dîner, des bouteilles de bière supplémentaires, leur souper du soir, de la drogue, juste le temps de se réconcilier avec les forces du mal, s’armer de gourdins et de poignards, ensuite retrouver les buissons et coins obscurs du quartier pour agresser tout éventuel promeneur nocturne et le déposséder de toutes ses ressources matérielles.
Pour faire face à cette forme de violence devenue fréquente, les populations du quartier Bamendji ont mis sur pied il y a un an de cela, un groupe d’autodéfense qui sillonne le quartier la nuit durant.
Des postes à l’instar des barrières de police sont dressés à toutes les issues du quartier Bamendji. Des vigiles y veillent toute la nuit, pendant que d’autres, armés de machettes et de matraques patrouillent à l’intérieur du quartier. A partir de 10 h du soir, toute personne entrant au quartier est passible d’un contrôle systématique, puis escortée par des vigiles jusqu’à son domicile. Les suspects sont retenus jusqu’au matin. Le sifflet est le principal moyen de communication des vigiles. Suivant un code, il sert d’alarme en cas de difficulté. Chaque ménage du quartier est censé verser une somme de 500 Francs cfa par mois à titre de " motivation " pour ces vigiles. Ce qui n’est pas toujours évident.
Des négociations ont été entamées auprès du sous-préfet de la localité pour trouver un cadre juridique servant de garde-fous tout au long de cette initiative qui vit le jour au terme d’une longue période de sensibilisation menée par quelques jeunes du quartier, réputés pour leur intégrité. La méthode utilisée était le porte-à-porte. Ce qui avait alors abouti à un rassemblement chez le chef de quartier où, spontanément, de l’argent avait alors été cotisé pour servir d’achat de matériels susceptibles de faciliter l’exercice des activités du groupe d’autodéfense, composé alors de femmes, hommes et enfants volontaires.
Commentaire : Après un an d’activité, le bilan de cette initiative est flatteur, certes. On parle de moins en moins d’agressions assorties de vol dans ce quartier. Pour autant, des interrogations subsistent : La décentralisation doit-elle être poussée au point que l’Etat abandonne l’une de ses prérogatives essentielles, à savoir le maintien de la sécurité publique, aux mains des populations non formés en la matière ? Dans un contexte de vie politique précaire, ces vigiles qui patrouillent la nuit armées de machettes, abusés qu’ils sont souvent par des vaines promesses politiques, ne peuvent-ils pas à la longue constituer une milice, avec ce que cela suppose comme menace pour la paix sociale ? Il convient véritablement d’y réfléchir.