Le cas d’un agent de l’Etat radié par erreur pour abandon de poste
Par SECK, Mamour (Dakar, novembre 2008)
Le sieur F. M. N. est un agent de l’Etat sénégalais dans le cadre des fonctionnaires du Chiffre. Vers les années 1975, il était en service dans la région méridionale.
Malheureusement, il tomba malade en 1979 pendant une longue durée. Après son rétablissement, grand fut son étonnement de se retrouver sans poste et sans salaire !
Entre-temps, il a été radié pour abandon de poste par un arrêté ministériel alors qu’il était sur son lit d’hôpital dans la période où il était considéré comme absent. Ainsi donc, débutèrent les va- et –vient. Après de vaines tentatives au niveau de la tutelle, il se tourna vers la Cour suprême aux fins de l’annulation dudit arrêté. Là aussi, aucune chance : par arrêté du 11 juillet 1984, la Cour déclarait sa requête irrecevable au motif qu’elle avait été formulée hors délai.
C’est ainsi qu’il se résolut à saisir le Médiateur de la République. Ce dernier s’en remit, par correspondance, au Secrétaire général de la Présidence de la République, supérieur hiérarchique du réclamant. Mais toutes les correspondances avec accusé de réception restèrent sans suite. Le Médiateur de la République, ne s’avouant pas pour autant « vaincu », eut la précaution de faire de pertinentes recommandations en vue du rétablissement de l’agent dans sa situation de cadre du Chiffre. La dernière correspondance du Médiateur de la République fut la bonne : une saisine de régularisation administrative adressée au Ministre de la Fonction Publique, laquelle était favorable à la réintégration de notre infortuné agent. Et, par arrêté du 09 août 2004, F. M. N. a été réintégré dans son cadre.
Mais, à sa grande surprise, sa reprise de service prenait effet pour compter du 1er juin 2004 au lieu du 25 avril 1980, date de prise d’effet de l’arrêté de radiation.
L’agent n’avait pas encore vu le bout du tunnel. C’est comme s’il était retourné en quelque sorte à la case départ. Il se dirigea derechef à la Médiature. Le Médiateur de la République, toujours prompt à réactiver le dossier, saisit sans tarder le Secrétaire Général de la république pour mettre en exergue les dysfonctionnements. Mais le Secrétaire Général, dans sa réponse, estimait que la réintégration survenue ne l’était qu’à titre exceptionnel et gracieux, car, le recours du réclamant à la Cour suprême était frappé de forclusion. Et par conséquent, à leurs yeux et au regard du droit, la radiation décidée était du reste en parfaite légalité. Ce qui était loin d’être l’avis de la Médiature, selon lequel cette radiation a été prise sur la base d’une erreur administrative et peu importait le retard de la requête. Il y a manifestement là confusion entre cause et conséquence d’un fait. Donc pour la Médiature, la réparation subséquente de l’erreur devrait être une mesure globale.
Finalement, la tutelle et le ministère de la Fonction publique opposèrent une fin de non recevoir à toute tentative de changer la date de prise d’effet de la reprise de service de F.M.N. En conséquence, il se retrouva avec un état de service fait diminué de 24 années d’activités. Donc, aucune possibilité d’obtenir une pension de retraite !
Le préjudice de la suppression de tout droit à une pension de retraite pour un fonctionnaire du simple fait d’une radiation par erreur, la tutelle n’en eut cure.
Dans cette expérience, l’on retient qu’il n’existe plus de base légale pour réparer un préjudice causé au réclamant, toutes les voies de recours lui étant hermétiquement obstruées. Dès lors, on est en présence d’une situation inique dont le plaignant est totalement étranger et dont l’Administration reste la seule et unique responsable par suite de son erreur.
Certes, dans ce cas d’espèce, l’application de l’équité sur recommandation du Médiateur de la République a permis la réintégration de F.M.N. dans son corps d’origine. Mais il reste que ce n’est là qu’une réparation de façade car, il perd dans sa carrière administrative près d’un quart de siècle et tout droit à une pension de retraite. Et encore une fois, au hasard d’une erreur administrative. Pendant ce temps, combien d’agents protégés courent sous d’autres cieux tout en continuant d’être payés par l’Etat de manière indue et sans être inquiétés ?
La Cour suprême, une (ancienne) institution du pouvoir judiciaire, juge - entre autres - de l’excès de pouvoir des autorités exécutives.
Le Médiateur de la République, autorité indépendante, reçoit dans les conditions fixées par la loi, les réclamations concernant le fonctionnement des administrations de l’Etat, des collectivités locales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d’une mission de service public.