Cas des bornes signalétiques Sénégal (CR Porokhane) – Gambie (Minte Kunda)
Par DIALLO, Woppa (Nioro du Rip, septembre 2008)
Ironie du legs colonial : la République de Gambie, ancienne colonie britannique se présente comme un doigt de gant enfoncé dans la « bouche » de la République du Sénégal, ancienne possession française.
Le 19 août 1889, une convention franco- britannique fixa les frontières de ces deux pays, un moyen de tenter de disloquer l’unité historique et socio culturelle sénégambienne.
Pour des raisons économiques (agriculture, élevage, porosité de la frontière, etc.), les populations situées de part et d’autre du fleuve connurent au fil du temps des litiges fonciers.
Et, pour jeter les bases d’une intégration politico-économique des deux pays, l’Etat du Sénégal conclura en 1978 avec son voisin un accord comportant même un abandon de sa souveraineté sur au moins 21 villages sénégalais au profit de la Gambie.
Mais, le contexte actuel caractérisé par la pauvreté et la rareté des ressources naturelles n’arrange pas la situation.
Des conflits entre paysans sénégalais et gambiens sur des parcelles cultivables à la frontière entre les deux pays se multiplient, notamment près des localités :
Zone Communauté Rurale Porokhane / Zone Minté Kunda Gambie
Médina Mounawar (Sénégal) / Village Peulh (Gambie)
Malgré la délimitation coloniale, les populations de l’époque profitaient même des contradictions des autorités coloniales et arrivaient à s’entendre sur l’essentiel. C’est ainsi que les champs étaient délimités au moyen de gros arbres plantés ou trouvés sur place.
Aujourd’hui, ces arbres ont tendance à disparaître. Rarement, les grosses pierres implantées à quelques endroits servaient de repère à cette époque. Ainsi c’est par miracle que ceux qui avaient la chance de voir ces repères, perpétuaient l’information.
Naturellement, de nos jours, le problème d’identification de ces repères est réel. D’où les conflits notés çà et là. C’est dans le cadre de la gestion de tels conflits, que le Sous Préfet de Paoskoto au Sénégal avait demandé au chef du village de Médina Mounawar de lui retrouver cette pierre qui séparait les champs. Deux jours durant, le chef de village accompagné de quelques uns cherchait vainement cette pierre. Et il a fallu l’intervention d’un certain notable du village, Moussa Cissé pour retrouver le site et la pierre.
Les concertations avec les Gambiens ont suscité beaucoup d’interrogations sur l’emplacement véritable de la frontière d’autant que certains gros arbres servant de repère ont disparu. Jusqu’à présent rien n’a bougé à cause de l’absence de dialogue et la non implication des personnes responsables.
Dans le souci de régler définitivement ce problème, on devrait poser des bornes acceptées par tous et pour toujours, dotées de voyant de part et d’autres.
Le Sénégal et la Gambie ont en partage l’histoire, la géographie, la culture, la religion, etc. Les populations des deux pays ne diffèrent en rien.
Il faut souhaiter que les générations à venir, sentant la nécessité de se débarrasser du principe consensuel actuel de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, puissent parvenir au moins à créer un Etat fédéral ou confédéral.
En attendant, la gestion de ces conflits devrait être assumée par les deux états en s’appuyant sur les préoccupations réelles des populations et sur toutes les légitimités existantes.