Par DAFF, Sidiki Abdoul (Guédiawaye, mars 1999)
Au cours du Sommet Mondial sur les Etablissements Humains (HABITAT 2) de Istanbul en 1996 qui s’est penché sur les implications d’une urbanisation incontrôlée, l’ONU a consacré le BUDGET PARTICIPATIF (BP) en cours à Porto Alegre au Brésil depuis 1988 comme une des meilleures pratiques de Gestion Urbaine du monde. Cette expérience a permis de lancer une réflexion sur la gestion des collectivités locales lors d’un séminaire que le Centre d’Etudes et de Recherches Populaires pour l’Action Citoyenne (CERPAC) a organisé en Février 1999 à Dakar.
Le Budget Participatif est un processus de démocratie directe, où la population et la mairie discutent et décident ensemble des recettes et des dépenses de la Commune, ouvrant la voie à une démocratisation des relations entre la municipalité et la Société. En effet les élus une fois investis échappent trÞs souvent au contrôle des électeurs qui ne pourront les sanctionner qu’au terme de leur mandat. Ainsi pour renouer le dialogue entre électeurs et élus, Il est nécessaire d’inventer et de combiner de multiples formes de démocratie directe où le citoyen peut non seulement participer à la gestion publique, mais auss i contrôler les élus.
Dans le BP, non seulement est institué un processus de cogestion entre la population et la municipalité mais également un mécanisme de contrôle social des élus. Le Conseil du Budget Participatif mis en place par les populations gère avec l’exécutif municipal ( le Maire et le vice-Maire ) tout le processus d’élaboration du Projet de Budget qui sera soumis au législatif municipal pour adoption. La population s’organise suivant deux modes :
Une base géographique constituée à travers la division de la ville en 16 secteurs (de 5000 à 300000 habitants). Ces secteurs ont été instituées d’un commun accord avec la population et ses organisations selon des critères d’affinités politiques, culturelles, sociales etc. ;
La base thématique, est un autre type de regroupement qui implique les populations sur des questions transversales au travers de 5 commissions : - transports et circulation; santé et assistance sociale; éducation, culture et loisirs; développement économique et fiscalité; organisation de la ville et développement urbain.
Il s’agit ici de contrecarrer la tendance sectorielle en permettant de décider avec la municipalité non seulement des investissements des secteurs ou quartiers, mais aussi des ouvrages structurants ou globaux à l’échelle de toute la ville.
Le processus est ouvert à tout citoyen indépendamment de son organisation politique, associative, religieuse.
Pour que la participation populaire ne soit pas seulement un processus consultatif, les décisions co-élaborées et prises par la population et la municipalité,sont explicitées, renseignées et publiées à travers des documents publiés chaque année et diffusés très largement (Réglement et cahier du Plan des Investissements). Les agents municipaux ainsi que le Maire sont tenus d’apporter toutes informations utiles en participant aux assemblÚes sectorielles et thématiques.
Un autre dispositif important est le contrôle budgétaire. Le Maire est obligé d’apporter les éléments permettant une évaluation du budget exécuté. La transparence est donc au centre du processus.
C’est cette expérience que le Directeur du Cabinet de la Planification de la Municipalité de Porto Alegre, a raconté à 80 élus, des représentants du mouvement associatif de base et d’ONG sénégalais lors du séminaire de Dakar. L’expérience est perçue par les participants comme une voie qu’il faudrait explorer dans les conditions du Sénégal où les autorités locales ne veulent pas de cette participation notamment dans la gestion du budget. En effet la politique municipale y est marquée par une opacité totale en matière de gestion des biens publics et par la personnalisation du pouvoir avec un maire omnipotent, distributeur de rôles et de prébendes. Mais en même temps il y a un mouvement associatif très actif prenant le relais d’autorités locales incapables de répondre aux demandes populaires. Si à Porto Alegre le Budget Participatif découle d’une volonté politique de l’exécutif municipal, au Sénégal l’exigence de participation vient du bas à travers des associations de bas
e dont les formes d’expression peuvent être : un refus de payer les taxes, l’assumation partielle du service public ( gestion des ordures par ex ) ou, au contraire, la détérioration d’ouvrages publics ( creusement de la chaussée pour contraindre les véhicules à ralentir, modification de la circulation routière etc. ). La jonction entre les mouvements associatifs et les municipalités est incontournable si on veut éviter l’implosion dans des villes grosses de conflits. Cette jonction sera la résultante d’une pression populaire sur le pouvoir local jusqu’à ce qu’Úmerge un rapport de force favorable à la nÚgociation. A ce niveau la force déterminante demeure le mouvement associatif représentatif des populations et les élus-habitants (conseillers municipaux et dirigeants d’associations de base ) pourraient relayer la pression populaire dans le conseil municipal.
Les conseillers de tous les partis politiques au Sénégal lors du séminaire de février 1999 ont tenu le même discours : " nous représentons les populations, nous défendons leurs intérêts ". Ce programme, affirmé par tous les acteurs politiques, peut être une base pour créer un espace public de rencontre d’élus et d’associations innovant en matière de gestion locale en plaçant au coeur de la démarche la participation citoyenne.
Cette fiche a été réalisée sur la base du Séminaire organisé par le CERPAC et le Réseau CAPACITATION CITOYENNE (Sénégal, France et Brésil) le 15 Février 1999 à Dakar.