Le cas du poste de santé de Mabo
Par SAKHO, Ndianko (Mabo, juin 2009)
L’affaire s’est passée à Mabo, une communauté rurale située dans le département de Kaffrine.
Tout est parti d’une méconnaissance des rôles et des responsabilités du Président du Comité de santé qui, bizarrement, était en même temps le Président du comité de gestion de santé. Malgré ses hautes responsabilités, il assumait cumulativement les fonctions de Président du Conseil Rural.
Il convient, pour la bonne compréhension du sujet, de signaler son faible niveau d’étude qui ne lui permettait même pas de conduire une collectivité locale. Donc, de gérer les affaires de la cité. Fort de cela, l’Infirmier Chef de Poste a profité des faiblesses du Président pour jouer effectivement et le rôle de Président du comité et celui de chef de poste. Ainsi, il se livrait aux activités suivantes :
• La vente des tickets ;
• L’achat des médicaments ;
• Le rôle de technicien ;
• La vente des médicaments ;
• La gestion administrative ;
• Et enfin la gestion des fonds du poste de santé.
Et pourtant, le poste de santé qui couvre 75 villages a été toujours fréquenté par une population d’environ 30 000 habitants. Malgré cela, le comité n’arrivait pas à avoir plus de 20 000 Fcs de recettes mensuelles. Voilà le contexte qui prévalait jusqu’en 2002.
Ainsi, en 2002, après l’installation du nouveau Conseil, il est apparu une nouvelle équipe plus ou moins informée et appuyée par un fonctionnaire de l’Etat en sa qualité d’instructeur sportif à la retraite, rentré au bercail. Qui, paradoxalement était frère du Président du Conseil Rural.
Consciente du problème, l’équipe s’est résolue à relever le défi dans l’intérêt des populations et a interpellé l’Infirmier Chef de Poste (ICP). Evidemment, pour conserver ses privilèges indus, il n’a pas manqué de riposter. Ce fut le début d’un conflit ouvert.
L’instructeur / conseiller convoqua alors les populations de Mabo en les incitant même à la révolte. Au terme de la rencontre, à leur demande, il introduisit un recours au niveau du ministère pour demander le départ de l’ICP et la dissolution pure et simple du comité de santé.
Mais quelques- uns, suite à des manipulations, se désolidarisèrent de la décision adoptée consensuellement lors de la rencontre et accusèrent même l’inspecteur de vouloir personnaliser le conflit, voire de le politiser.
Les circonstances militant en faveur des communautés de base, deux mois plus tard l’ICP fut terrassé par une grave maladie et transféré à l’hôpital le Dantec de Dakar. Après un séjour de plus de deux mois pour des soins, il fut affecté à Médina Sabakh. Et le comité fut renouvelé et confié à des mains plus sûres.
Cette expérience est une illustration d’un cas atypique de cumul de fonctions et de confusion des rôles et responsabilités des structures de santé. Nous sommes ici en face d’un comité de santé qui ne pouvait prospérer que dans l’opacité totale, étant entendu que tout était concentré entre les mains d’une même personne. L’illettrisme de l’élu aidant, l’ICP avait toutes les coudées franches de faire une gestion personnelle de la chose communautaire. Là aussi, se posent les limites de la décentralisation liées au manque de formation des élus locaux. Il urge, après la mise en place de chaque conseil rural, de procéder à une série de formations et à des campagnes de sensibilisation et de communication. De même, les partis politiques devraient en amont veiller à la formation de leurs futurs élus afin d’inculquer en eux un esprit citoyen, en dehors de toutes coteries partisanes. En l’espèce, la conscience citoyenne et l’exercice du droit légitime de contrôle citoyen du fonctionnaire retraité ont pesé ici de tout leur poids dans le changement qualitatif. Et ce, en dépit des liens de parenté qui pouvaient constituer un réel obstacle sociologique.
L’auteur de la fiche est l’actuel Président du Conseil Rural de Mabo