Par Tikpi Atchadam (Lomé, juin 2009)
1. INTODUCTION
1.1. Présentation de la commune de Lomé
Capitale du Togo depuis 1897, Lomé est érigée en une commune mixte le 20 novembre 1932 par un décret français du 6 novembre 1929. En novembre 1959, les togolais prennent en main la gestion de la municipalité. Depuis, des textes ont contribué à redynamiser l’administration locale en la dotant de nouvelles institutions. Les plus récentes et importantes lois à avoir jeté les bases du pouvoir local sont les lois organiques n°81-8 et n°81-9 du 23 juin 1981, portant organisation de l’administration territoriale. La loi n°2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales, abrogeant la loi n°98-006 du 11 février 1998 portant décentralisation, est venue compléter ce dispositif. Ces textes ont fait de Lomé une collectivité décentralisée de plein exercice, dotée d’une autonomie financière et administrative et placée sous la tutelle du ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales.
A sa création, la commune de Lomé était coincée entre la lagune au Nord, l’Océan Atlantique au Sud, le village de Bè à l’Est et la frontière d’Aflao-Ghana à l’Ouest. Aujourd’hui, elle a connu une extension vertigineuse et est délimitée, aux termes du décret n°71/63 du 1er avril 1971, par le siège de la société Groupement Togolais d’Assurances (GTA) au Nord, l’Océan Atlantique au Sud, la Raffinerie de pétrole de Lomé à l’Est et la frontière du Togo – Ghana d’Aflao à l’Ouest. La commune ville de Lomé s’étale ainsi sur une superficie de 333 km² dont 30 km² de zone lagunaire.
La population de la commune de Lomé a atteint 1.000.000 habitants en l’an 2000 sur une population totale de 2.000.000 habitants que comptent Lomé et ses environs (le grand Lomé). Commune la plus peuplée du pays, Lomé la capitale est une ville essentiellement administrative, commerciale et industrielle.
La commune de Lomé est administrée par un conseil municipal élu, à la tête duquel se trouve un maire (aujourd’hui président de la délégation spéciale). Le décret n°81-186 du 29 octobre 1984 organise la commune de Lomé en cinq (05) arrondissements. Chaque arrondissement est placé sous la responsabilité d’un adjoint au maire et est doté d’un conseil composé de neuf (09) membres.
L’administration municipale s’articule autour des organes élus et des organes administratifs. Constituent les organes élus, le conseil municipal (organe délibérant) et le maire (organe exécutif).
Le conseil municipal dispose de commissions permanentes et des services centraux. Les commissions permanentes sont :
la commission des affaires économiques et financières ;
la commission des affaires domaniales et environnementales ;
la commission des affaires sociales et culturelles.
Toutefois, le conseil municipal peut créer des commissions temporaires ou ad hoc, chargées d’étudier et de suivre des questions qui lui sont soumises.
La municipalité est dotée des services centraux qui sont :
le secrétariat général ;
la direction des affaires administratives ;
la direction des services techniques (DST) ;
la direction des affaires financières ;
la direction des ressources humaines.
1.2. Présentation de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique
L’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique est une organisation panafricaine qui relie des acteurs africains et non africains engagés dans l’action et la réflexion, soucieux de promouvoir un dialogue sur la gestion des affaires publiques en Afrique. Elle constitue depuis 2003 le prolongement du Réseau « Dialogue sur la gouvernance en Afrique » né en 1999 à l’initiative de quelques personnalités africaines, ayant pour la plupart exercé de hautes fonctions dans leur pays et ayant constaté, de l’intérieur, comment les processus de transformation du monde et des sociétés africaines échappaient aux africains eux-mêmes du fait de l’inadéquation de modes de gouvernance, importés ou imposés de l’extérieur, inaptes à répondre aux besoins des africains et renforçant l’incapacité de l’Afrique à répondre aux défis de la mondialisation.
La mission de l’Alliance est de contribuer à l’édification d’un projet de gouvernance propre à l’Afrique, conçu par les africains et profondément ancré dans les réalités du continent. Elle se fixe ainsi comme objectifs de :
construire un espace public interafricain de dialogue et de réflexion sur la gouvernance ;
élaborer et mettre en débat des propositions de changement de la gestion des affaires publiques en Afrique ;
mobiliser les acteurs étatiques et non-étatiques dans des initiatives pour une refondation effective de la gouvernance en Afrique ;
participer aux débats sur les questions de gouvernance en Afrique et dans le monde.
L’Alliance fonde ses activités sur :
une conception de la gouvernance qui réfute les recettes uniformisées du concept de bonne gouvernance. A la bonne gouvernance, l’Alliance préfère la GOUVERNANCE LEGITIME au sens où la gestion des affaires publiques et l’exercice des pouvoirs doivent être au service du BIEN COMMUN avec l’adhésion et sous le contrôle de ceux sur qui s’exercent ces pouvoirs.
des principes qui visent à éviter l’isolement des acteurs, le cloisonnement des échelles de gouvernance, la distanciation entre les expériences concrètes des acteurs et les réflexions sur la gouvernance en Afrique. Une gouvernance légitime se fonde sur la triple nécessité de relier les initiatives, les expériences et les propositions faites à toutes les échelles (du local au mondial), de relier l’action et la réflexion pour renouveler l’action et de partir des besoins et aspirations réels des populations pour les satisfaire.
des « modes de faire » qui concourent à la légitimité de la gouvernance dans la mesure où ils privilégient le consensus, l’inclusivité et l’enracinement dans l’histoire et la mémoire collective des acteurs et de leurs sociétés.
Depuis sa création, l’Alliance est présente dans huit pays d’Afrique de l’Ouest et au Cameroun. Il est planifié de consolider cinq pôles régionaux représentant chacun une région de l’Afrique. Dans chaque pays, une organisation nationale assure la médiation et le développement de l’Alliance autour des alliés.
L’Alliance cherche à traduire sur le terrain les propositions de refondation de la gouvernance. Elle a ainsi créé quatre groupes travaillant chacun sur un thème spécifique : Gouvernance, Décentralisation et Développement local ; Gouvernance, Culture et Pluralisme Juridique ; Gouvernance et régulation des conflits ; Gouvernance et Politiques Economiques.
1.3. Présentation de l’initiative sur la délivrance des services publics de base
L’initiative sur la délivrance des services publics de base s’inscrit dans le groupe d’initiative Gouvernance, Décentralisation et Développement local avec pour préoccupation majeure, l’efficacité de l’action publique locale. Dans cette logique et dans le processus d’élaboration d’une Charte Africaine pour une Gouvernance Légitime lancé en juillet 2002, l’Alliance ouvrait un chantier de réflexion et de propositions pour une délivrance de services publics de base beaucoup plus adaptée, et qui améliore sensiblement les conditions de vie de chaque citoyen. Ce minutieux travail a abouti à la conclusion selon laquelle, dans l’optique d’une gouvernance légitime, l’élan de réconciliation entre les institutions et la société devait se traduire par une plus grande offre de services publics sur la base de la proximité.
Plus généralement, les services publics devaient :
se réaliser à travers une importante participation des destinataires de l’action publique ;
correspondre aux aspirations et aux possibilités réelles de l’Afrique, dans leur organisation, leur fonctionnement, et à travers leurs prestations ;
s’adapter aux réalités économiques, sociales, culturelles et techniques des populations ;
évoluer au rythme des sociétés auxquelles ils sont destinés ;
donner lieu à coopération entre les personnes publiques à toutes les échelles ;
ouvrir un partenariat entre le secteur privé et le secteur public.
Lors du sommet d’Africités 3, des ateliers sectoriels ont permis de confronter les réussites et les échecs dans la délivrance de ces services en partant de dix domaines : eau, assainissement, énergie, organisation de marchés, éducation, sécurité, culture, gestion des déchets, voirie, santé.
Dans le souci d’harmoniser les procédures de collecte d’expériences au niveau des différents pays du pôle de l’Afrique de l’Ouest, une note de procédures a défini les différentes étapes du processus, la méthodologie, le calendrier et les résultats attendus.
L’initiative devrait se dérouler dans une commune urbaine présentant une certaine importance démographique et un grand dynamisme dans les domaines de la décentralisation et de la gouvernance urbaine. Fidèle à sa démarche qui consiste à partir des expériences concrètes des acteurs, l’Alliance procède par collecte d’expériences. Ainsi, l’initiative à consisté en une collecte d’expériences puis en une analyse destinée à produire de la connaissance réinjectable à nouveau dans l’action.
1.4. Déroulement de l’initiative
1.4.1. Choix de la zone d’intervention et du service public
Lomé, capitale du Togo, est la plus grande ville du pays. Le grand Lomé (Lomé et ses environs) a une population estimée à deux millions (2.000.000) d’habitants pour un pays de six millions (6.000.000) d’habitants. Avec une forte croissance démographique, la ville connaît une importante production de déchets. La gestion des déchets constitue une préoccupation permanente pour les autorités de la municipalité. C’est un service « en mouvement », en construction d’autant plus qu’après de nombreuses expériences, la commune est toujours à la recherche d’une stratégie adéquate pour régler de façon durable la question des déchets. Ce service est donc d’un intérêt capital pour les responsables de la commune. Ceci a déterminé l’Alliance à porter son choix sur la ville de Lomé et le service relatif aux déchets.
La gestion des déchets en tant que service public a été analysée au regard des six (06) principes de Yaoundé alimentés par vingt-trois (23) critères. Il s’agit de voir dans quelle mesure la gestion des déchets à Lomé ignorerait ou respecterait les six principes ci-après :
Enracinement : les services de base fournis doivent être profondément enracinés dans la population, c’est-à-dire correspondre à la fois à ses habitudes culturelles et à son niveau technique et financier.
Coopération et partenariat : la délivrance et la gestion des services de base ne peuvent résulter que d’une coopération, d’une coproduction qui implique à la fois l’Etat et les collectivités locales, la population et le secteur privé.
Inclusivité : les pouvoirs publics ne peuvent tirer leur légitimité que de leur capacité à assurer les services à l’ensemble de la population et à ne pas réserver, au nom de la modernité, des services plus sophistiqués à une partie limitée de la société ou de l’espace urbain.
Ingénierie institutionnelle: pour parvenir à mettre en œuvre les principes précédents, il faut concevoir des organisations effectivement capables de le faire, tant par leur structure elle-même que par la culture, les habitudes, la formation et l’expérience de leurs membres. Il doit y avoir adéquation entre le mode de fonctionnement des institutions et les principes qu’on leur demande de mettre en œuvre.
Agrégation : les institutions doivent pouvoir gérer à la fois la diversité des situations et l’unité des problèmes, agréger les problèmes locaux en une vision globale, inscrire l’action quotidienne dans une perspective globale et à long terme.
Développement du capital humain : tout cela suppose des ressources humaines adaptées, à la fois capables de dialogue, de coopération et de vision et seul l’échange d’expériences le permet.
1.4.2. Lancement de l’initiative
Une journée de lancement organisée le 04 septembre 2007 à l’hôtel du 02 Février a eu pour objectif d’informer les acteurs de la gouvernance urbaine en relation avec les déchets sur l’initiative et de susciter leur implication dans sa mise en œuvre.
Cette journée de lancement officiel de l’initiative sur la délivrance des services publics de base a vu la participation du Directeur de cabinet du Ministre de la ville et de l’Urbanisme représentant son Ministre, le vice Président de la Délégation Spéciale de la commune de Lomé, les services publics en charge de l’enlèvement et de la gestion des ordures, les ONG et associations opérant dans ce domaine, le secteur privé, les chefs traditionnels de la commune de Lomé, les Présidents de Comités de Développement des Quartiers (CDQ), les partenaires en développement, la population et les médias tant publics que privés.
Ensuite, des représentants des associations et ONG chargées de la collecte des ordures ménagères ayant participé au lancement ont suivi à Cotonou, du 18 au 21 mars 2008, une formation pratique sur les outils de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique et sur la rédaction des fiches d’expérience.
Faisant suite à l’atelier de Cotonou, la médiation nationale a organisé le 16 août 2008, un atelier de partage d’outils de l’Alliance et de collecte d’expériences avec les alliés du Togo. Au total, quinze associations et ONG ont pris part à cette séance. Cet atelier a été organisé, non seulement dans le but de partager les outils de l’Alliance, mais aussi de partager et de collecter les expériences des structures participantes.
Une revue de la production a été organisée à Lomé fin mai 2009 avec l’appui de Falilou MBACKE CISSE, responsable du groupe d’initiative Gouvernance, Décentralisation et Développement local. Cette rencontre a permis, d’une part, de faire un état des lieux sur la production d’expériences dans le domaine de la gestion des déchets dans la perspective de l’analyse transversale, et, d’autre part, de former les alliés à l’outil cartographie conceptuelle. Outre les membres du Club Afrique Debout, trois organisations alliées ont bénéficié de cette formation. Il s’agit de l’Association pour la Promotion des Initiatives Communautaires (APIC), l’association des Volontaires pour le Développement et l’Assainissement de l’Environnement (VDAE) et WELCOME.
En vue d’atteindre le seuil critique des fiches, deux équipes ont été mises sur pied pour effectuer une collecte complémentaire d’expériences sous la supervision du médiateur national. Les porteurs d’expériences identifiés à cet effet sont : les ministères concernés, la municipalité de Lomé, la préfecture du Golfe, les associations et ONG de précollecte d’ordures ménagères, les entreprises privées opérant dans le domaine, les Comités de Développement de Quartier et les populations bénéficiaires du service.
1.4.3. Méthodologie
Les expériences rédigées par les collecteurs sont centralisées au niveau de la supervision qui se charge de la correction des fiches, dans la forme et dans le fond.
Le médiateur, en sa qualité de superviseur, transmet les fiches finalisées à son niveau au gestionnaire de la base de fiches de l’Alliance en la personne de Sidiki ABDOUL DAFF, avec copie au responsable du groupe thématique Gouvernance, Décentralisation et Développement local, Falilou M’BACKE CISSE.
A l’atteinte de l’objectif de cinquante fiches d’expériences et après une séance destinée à l’analyse de la production, l’analyse transversale a consisté en une étude fiche par fiche qui a permis de classer les expériences collectées en fonction des six principes de Yaoundé. Avec l’outil cartographie conceptuelle, l’équipe a réussi à dégager un état des lieux (constat/ diagnostic), des enjeux et défis, puis des propositions relevant de la gouvernance et des propositions d’ordre technique en matière de gestion des déchets dans la commune de Lomé.
Avec l’appui de Falilou M’BACKE CISSE, l’analyse transversale a impliqué, outre les collecteurs d’expériences, le Club Afrique Debout, l’Association pour la Promotion des Initiatives Communautaires (APIC) et l’association des Volontaires du Développement et la protection de l’Environnement (VDAE).
1.4.4. Difficultés rencontrées
Au titre de difficultés rencontrées, il y a d’abord, le problème de l’accès des collecteurs à l’outil informatique pour la rédaction des fiches sur la base des expériences et paroles collectées. En même temps qu’elle effectue un travail de correction des fiches manuscrites produites par les collecteurs, la coordination a été emmenée à effectuer la saisie de toutes les fiches.
Ensuite, avant l’analyse transversale proprement dite, l’équipe a mis du temps pour arriver à la même compréhension des principes de Yaoundé et leurs critères.
Aussi, l’indisponibilité de certains acteurs porteurs d’expériences due à leurs préoccupations n’a pas permis de boucler la collecte dans les délais prévus. Il est difficile d’obtenir des rendez-vous avec les responsables de certaines structures ; et lorsqu’on arrive à l’obtenir, on dispose d’un temps relativement bref pour les échanges.
Enfin les caprices du logiciel desmodo au moment de la cartographie ont fait perdre un peu de temps à l’équipe.
1.5. Résultats obtenus
A l’issue du processus, une production de cinquante (50) fiches a été réalisée. Ces expériences portent sur des aspects divers à savoir :
les habitudes culturelles des populations en rapport avec la salubrité et l’hygiène ;
les institutions ou structures de gestion des déchets ;
les tentatives de mécanisation de la collecte des déchets et leur valorisation ;
une coopération agissante entre les différentes familles d’acteurs ;
une professionnalisation attendue par tous ;
une municipalité volontaire mais limitée en termes de ressources humaines et financières.
Les différentes fiches qui ont constitué la matière de la présente évaluation peuvent être consultées sur le site web de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique: www.afrique-gouvernance.net
2. PROBLEMATIQUE DE LA GESTION DES DECHETS DANS LA COMMUNE DE LOME
Quand Lomé était une agglomération moyenne, la question des déchets ne constituait pas à proprement parler une préoccupation. C’était une ville modeste dans laquelle la salubrité était une affaire des populations. En effet, la salubrité était assurée à travers le balayage quotidien des maisons et des alentours. Les populations avaient l’habitude de balayer jusqu’au trottoir des rues dont elles sont riveraines. En plus, des opérations ponctuelles de salubrité dénommées opérations ‘’ville propre’’ ou ‘’quartier propre’’ étaient organisées dans la ville et dans les quartiers.
Mais au fil du temps, la ville a commencé à se développer. A partir de ce moment, un service de voirie a été mis en place pour assurer la salubrité et l’hygiène dans la ville. Ce service était animé essentiellement par des ouvriers maçons, des menuisiers, des plombiers, quelques chauffeurs et des balayeurs de rues. La voirie prit en mains la propreté et l’entretien des espaces verts et des monuments, des alentours des édifices publics et le ramassage des ordures.
En 1974, dépassée par la dimension de la tâche, la mairie a confié le ramassage des ordures ménagères à une société privée dénommée Société Togolaise d’Enlèvement des Ordures Ménagères et d’Assainissement (SOTOEMA). Mais la ville n’a cessé de connaître une croissance démographique qui induit une production importante de déchets. Pendant que la demande en service de salubrité et d’assainissement des populations augmente, les ressources de la municipalité diminuent. La crise sociopolitique des années 1990, doublée de la suspension de la coopération avec les partenaires en développement a mis la municipalité dans l’incapacité d’honorer ses engagements vis-à-vis des prestataires de services.
En 1994, la municipalité a été obligée de rompre le contrat avec SOTOEMA. Désormais, elle passe à un sectionnement de la chaîne d’enlèvement des ordures. La précollecte (enlèvement des ordures auprès des ménages vers les sites intermédiaires) est assurée par les associations contre redevances payée par les ménages bénéficiaires du service, et, l’acheminement des ordures des sites intermédiaires vers la décharge finale est attribué aux entreprises privées sur la base de contrats conclus avec la municipalité.
Malgré la multitude d’acteurs dans le domaine de la gestion des ordures ménagères, la salubrité demeure une préoccupation des autorités communales. Comment arriver à assurer dans la durée la salubrité et l’assainissement à l’ensemble de la population de la commune de Lomé ? Après des dizaines d’années, la commune de Lomé est toujours à la recherche d’une stratégie adéquate pour la délivrance de ce service capital qu’est la gestion des ordures.
Au-delà des efforts encourageants réalisés dans le domaine de la gestion des déchets dans la commune de Lomé, on peut se demander, dans quelle mesure la pratique prend en compte les six principes de Yaoundé qui constituent aujourd’hui le cadre d‘intervention des partenaires en matière de la gouvernance urbaine.
La présente analyse présente des expériences de succès, d’échec ou de négation des principes de Yaoundé. En tant qu’évaluation initiale de la délivrance des services publics en matière des déchets, elle se veut une contribution qui permettra à la ville de Lomé d’élaborer de nouvelles stratégies inspirées des principes de Yaoundé en vue du changement dans la gouvernance urbaine.
3. ENRACINEMENT
3.1. Constat/ diagnostic concernant le principe de l’enracinement
A sa création, la commune de Lomé n’était qu’une agglomération moyenne. La production de déchets n’était pas si importante et la population de Lomé était très modeste. Outre le quartier administratif, les habitations étaient constituées de petites cases et de quelques maisons dignes de ce nom, dispersées ça et là et entourées d’herbes ou de terrains non bâtis.
Dans les quartiers périphériques de l’époque, les ordures ménagères se géraient individuellement et chacun s’arrangeait à jeter les ordures derrière sa maison ou son lieu d’habitation. Aller au W.C, dans la langue Ewé ou Mina, langue du milieu, c’est aller derrière la maison (« Ekpagodo »). Donc, derrière la maison c’est un espace non bâti qui sert de dépotoir et de lieu d’aisance.
Dans les quartiers résidentiels et au centre ville où il n’était pas possible de jeter les ordures derrière sa maison, la pratique consistait, soit à creuser un trou pour enfouir les ordures, soit à les brûler.
Pour maintenir la salubrité, des opérations ‘’ville propre’’ ou ‘’quartier propre’’ sont organisées régulièrement par la commune et les Comités de salubrité des quartiers, remplacés aujourd’hui par les Comité de Développement de Quartier (CDQ). Ces opérations viennent appuyer la culture séculaire des populations qui consiste à balayer chaque matin leur habitation et les alentours, y compris le trottoir des rues dont elles sont riveraines.
Mais la population de la ville n’a cessé de croître de façon exponentielle, provoquant une production importante d’ordures. Face à cette situation, la commune a été emmenée à organiser le service d’enlèvement des ordures. Mais pendant longtemps, ce service a été gratuit.
Suite à la rupture du contrat avec l’entreprise SOTOEMA conjuguée avec les effets de la crise des années 1990, des associations de précollecte sont nées avec la pratique des redevances contre services rendus. A partir de ce moment, les populations doivent contribuer à la production du service.
La majorité de la population de Lomé vivant en dessous du seuil de pauvreté, celle-ci juge les tarifs pratiqués par les associations et les ONG de précollecte (en moyenne 1000 francs par mois et par concession) trop élevés. Le faible taux d’abonnement conséquent ne permet pas aux structures de précollecte d’auto-financer leurs activités. Aussi, ils ne sont pas en mesure de couvrir entièrement leur zone géographique. Le service n’est donc pas rendu à toute la population vivant dans la zone de couverture de la structure concernée.
Appliqué par la commune en avril 2009 dans les quartiers d’Akodésséwa, Ablogamè et Wuiti dans le cadre d’un projet, le même tarif a connu une résistance de la part des populations qui ont sollicité sa révision à la baisse. Le projet a été arrêté prématurément.
Aujourd’hui encore, avec l’absence de dépotoirs intermédiaires dans certains quartiers, des ménages continuent d’enfouir et de brûler les déchets. Ils déversent les eaux usées, les eaux de toilettes et les déchets solides dans la rue et dans les caniveaux. Les habitants de Lomé continuent de jeter, en passant, les emballages de toutes sortes et d’uriner dans les espaces publics. En revanche, l’idée de valorisation des déchets en engrais rencontre leurs pratiques. Des paysans achètent et utilisent comme engrais, les déchets rejetés par l’usine d’huilerie dénommée Nioto installée dans la zone franche. Ceci leur a permis d’accroître la productivité de leurs champs.
3.2. Enjeux/ Défis concernant le principe de l’enracinement :
amener les populations bénéficiaires à s’impliquer dans la production du service et à accepter l’idée d’un service d’enlèvement d’ordures payant ;
un service d’enlèvement des ordures financièrement accessible à tous et adapté aux habitudes culturelles des populations.
3.3. Propositions concernant le principe de l’enracinement
3.3.1. Propositions de gouvernance :
sensibiliser les populations en vue d’un changement de comportement en phase avec l’évolution de la problématique de la gestion des ordures dans les villes modernes ;
instaurer la culture du rendre compte des autorités communales vis-à-vis des populations ;
créer un fonds pour la gestion des ordures ménagères, financé par les taxes indirectes sur les biens de consommation et géré par les représentants des différents acteurs et représentants des populations.
3.3.2. Propositions techniques :
construire et aménager des dépotoirs intermédiaires dans tous les quartiers ;
4. COOPERATION ET PARTENARIAT
4.1. Constat/ Diagnostic concernant la coopération et le partenariat
Aujourd’hui, une commune à elle seule et sur la base de son budget ne peut prétendre à une solution durable à la problématique de la gestion des déchets. Le service ne peut être rendu de façon efficace sans la coopération entre les différentes familles d’acteurs que sont : l’Etat, les collectivités locales, les populations, les services publics et le secteur privé. Aujourd’hui, cette multitude d’acteurs se retrouve sur le champ de la gestion des déchets au niveau de la commune de Lomé. Mais quel est le degré d’implication de chacun de ces acteurs autour de l’acteur principal qu’est la municipalité ?
Pour créer la synergie nécessaire, la commune de Lomé entretien un partenariat avec les différents acteurs.
D’abord, avec l’Etat, la Direction des Services Techniques entretient une coopération avec les directions relevant d’autres départements ministériels destinée à assurer un cadre de vie meilleur aux populations. C’est ainsi qu’elle coopère avec la Direction Générale des Infrastructures et des Equipements Urbains (DGIEU) et l’Agence d’Exécution des Travaux Urbains (AGETUR-TOGO) qui relèvent du ministère de l’urbanisme et de l’habitat. Au titre du ministère de la santé, la coopération est entretenue avec la direction de l’hygiène et de l’assainissement qui assure la police sanitaire. Au niveau du ministère de l’environnement et des ressources forestières, l’interlocuteur de la DST est la direction générale de l’environnement pour un cadre de vie meilleur, tandis que pour ce qui est du ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales, la coopération est établie avec le secrétariat du conseil de préfecture qui est l’équivalent de la DST au niveau de la mairie.
Un exemple de cette coopération est en cours dans le cadre du Projet Environnement Urbain de Lomé (PEUL) destiné à assainir la lagune de Lomé et à lutter contre les inondations de plus en plus fréquentes à Lomé. Le dragage en cours a impliqué la Direction des Services Techniques de la mairie, AGETUR –TOGO, la direction de l’assainissement, la direction de l’environnement et les entreprises privées.
Ensuite, il faut préciser que la municipalité constitue, avec les entreprises privées et les associations et ONG de précollecte, une chaîne complète d’enlèvement des ordures. La précollecte est assurée par les associations et ONG et l’acheminement vers la décharge finale est effectué par les entreprises privées. C’est au nom de ce partenariat qu’elle a réussi à mettre sur pied un système de zonage et à harmoniser les tarifs appliqués par ses structures. Seulement, la concurrence déloyale à laquelle se livraient les associations de précollecte et le conflits d’intérêts n’ont pas permis au consensus obtenu d’être durable. La municipalité appuie les Comités de Développement des Quartiers (CDQ) et les associations de précollecte à l’occasion des opérations ‘’quartiers propre’’ qu’ils organisent.
Toutefois, entre les associations et le secteur privé, il existe une coopération en vue du recyclage artisanal de certains déchets. Mais il y a une absence de structures de financement de tri et de transport des déchets encore récupérables.
Enfin, la municipalité entretient une coopération avec les partenaires en développement tels que la Banque mondiale, la Coopération française et l’Agence Française de Développement.
C’est ainsi qu’à la résiliation du contrat avec SOTOEMA, la municipalité s’est engagée dans un partenariat avec la Banque mondiale. En effet, par un accord de crédit signé en 1995 pour quatre ans, la municipalité a bénéficié de la mise en œuvre d’un projet intitulé «Projet de Développement Urbain du Togo » (PDUT) en vue de la réorganisation de ses services administratifs, financiers et techniques. La Direction des Services Techniques, service compétent en matière de gestion des ordures ménagères au niveau de la mairie, est un produit de cette coopération. Par ailleurs, cette coopération a amorcé un total désengagement de la ville des différents secteurs d’activités pouvant être confiés aux privées. Des structures comme l’Etablissement Public Autonome pour l’exploitation des Marchés (EPAM) furent créées, même si on est en droit de s’interroger sur la gouvernance en cours au sein de cette institution.
Aux côtés de la commune de Lomé, la coopération française est très active dans divers domaines parmi lesquels la gestion des ordures ménagères. Le Projet d’Intégration Urbaine et de Coopération de Proximité (PIUCP) est un exemple de cette coopération. Ce projet sert d’interface entre la ville de Lomé et le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC). La coopération française agit également par le biais de l’Agence Française de Développement (AFD). A ce titre, deux projets de coopération ont été initiés avec la Direction des Services Techniques, l’Etablissement Public Autonome pour l’exploitation des Marchés (EPAM), l’Agence d’Exécution des Travaux Urbains (AGETUR-TOGO), les entreprises privées et les associations de femmes.
En matière de coopération décentralisée, sur la base de l’article 20 de la loi du 11 février 1998 portant décentralisation, aujourd’hui abrogée par la loi du 13 mars 2007, Lomé a pu signer des conventions de jumelage ou de coopération décentralisée avec un certain nombre de collectivités telles que Calais, Lyon, Marseille, Nice en France, Duisbourg en Allemagne, Bay city (USA), Pyong Yong (Corée), Shenzhen (Chine) qui lui fournissent assistance humaine, financière, et technique. Lomé a adhéré à des associations internationales de coopération.
S’agissant de la coopération avec la population, s’il est vrai que celle-ci répond de façon ponctuelle aux opérations ‘’ville propre’’ ou ‘’quartier propres’’, son implication est encore critique. Au niveau de certains ménages, le balayage quotidien tend à se limiter à l’intérieur des concessions. Les opérations ‘’ville propre’’ sont parfois boudées ou boycottées par certains citoyens. A partir des années 1990, des citoyens jettent et brûlent les ordures dans la rue et sur les places publiques en signe de désobéissance civique, rendant la question de la salubrité plus préoccupante. Jeter ou brûler des ordures dans la rue ou dans un espace public était devenu une forme d’expression politique. Les habitants de Lomé ont l’habitude de jeter, en passant, des emballages de toutes sortes dans la rue et parfois d’uriner au bord des rues et dans les espaces publics.
Mais la délivrance d’un service public comme celui des déchets ne peut être envisagée sous le seul angle technique ou financier. Les populations ont besoin de se reconnaître à travers les autorités communales. Ainsi, dans la mesure où les autorités communales, faute d’élections locales, sont nommées par décret, la participation de la population s’en ressent. Donc, la participation des populations bénéficiaires du service populaire souffre de la légitimité des autorités communales.
Cependant, avec la sensibilisation dans la langue nationale du milieu (Ewé/ Mina), les associations, les ONG et les Comités de Développement de Quartier arrivent à obtenir une coopération agissante de la part des populations pour la salubrité dans leur quartier. Des commerçants s’impliquent dans les activités de salubrité de leur marché. Mis en veilleuse par une longue période de crise, le volontarisme des populations de Lomé est malgré tout perceptible.
Au demeurant, on peut regretter l’absence de coordination effective entre les différents acteurs qui conduit à des décisions unilatérales concernant la chaîne de gestion des ordures ménagères avec de lourdes de conséquences. Les décisions ne sont pas toujours prises sur la base d’une approche inclusive. Par exemple, en 2006, la municipalité a pris une décision unilatérale de fermeture de certains sites intermédiaires entraînant la prolifération de dépotoirs sauvages. Certains ménages n’hésitaient plus à déverser les déchets dans les bassins et retenues d’eau. Tout espace non bâti était devenu bon pour un dépotoir, occasionnant des inondations à la moindre pluie.
4.2. Enjeux/ Défis concernant la coopération et le partenariat
Protéger l’environnement et la santé des populations de façon durable avec l’implication de tous les acteurs ;
assurer une coordination efficace et efficiente des différentes familles d’acteurs ;
assurer la financement de la gestion des ordures ménagères pour l’ensemble de la population sur la base d’une coopération élargie, diversifiée et coordonnée ;
Assurer la gouvernance légitime avec des organes municipaux élus ;
Respect par la municipalité des engagements pris à travers les contrats conclus avec les entreprises privées.
4.3. Propositions concernant la coopération et le partenariat
4.3.1. Propositions de gouvernance
Organiser les élections locales et instaurer la culture du rendre compte vis-à-vis des populations ;
créer un cadre permanent de dialogue, d’échanges et de coordination entre acteurs ;
créer un espace d’interpellation et de dialogue citoyen sur la gestion de la municipalité au regard des déchets ;
chercher et diversifier la coopération en vue du financement du service d’enlèvement des ordures ;
sensibiliser les populations en vue d’un changement de comportement favorable à un cadre de vie meilleur et les éduquer au tri des déchets ;
encourager la coopération décentralisée à travers les jumelages ;
développer et renforcer la coopération avec les populations ;
créer les conditions de la participation des populations à la production du service.
4.3.2. Propositions techniques
Créer une brigade spéciale de la police sanitaire ;
Créer un comité de coordination et de concertation autour de la coopération dans le secteur d’enlèvement d’ordures.
5. INCLUSIVITE
5.1. Constat/ Diagnostic concernant l’inclusivité
Lomé connaît des types d’habitation qu’on peut classer en trois catégories : les quartiers résidentiels, les quartiers populaires marqués par une forte concentration humaine et les quartiers spontanés et précaires, construits sur la base de matériaux provisoires. Les populations dans ces différents quartiers ne bénéficient pas sur une base égalitaire du service relatif aux déchets.
Les quartiers résidentiels et administratifs sont caractérisés par une faible concentration humaine, un adressage des rues relativement bien tracées et entretenues, l’existence d’un site intermédiaire, etc. Tout ceci facilite le travail des agents de précollecte. Dans ces quartiers résidentiels où vivent la haute classe ou les classes moyennes, les habitants payent régulièrement leurs redevances. C’est le cas de la résidence du Bénin. Seuls les ménages à revenus moyens ont pu adopter les emballages-sacoches introduits en 2006 par le Collectif des Associations de Précollecte du Cinquième arrondissement (CAPV Sud), une fédération d’associations de précollecte et l’Association pour la Promotion des Initiatives Communautaires (APIC) afin d’améliorer le conditionnement des ordures ménagères dans le cinquième arrondissement de la ville de Lomé.
En revanche, les quartiers populaires sont caractérisés par une forte concentration humaine avec des espaces parfois difficile d’accès. Ces quartiers sont habités par des citoyens vivant pour la plupart en dessous du seuil de pauvreté qui ont des difficultés pour payer leurs redevances. Or, au nom de la rentabilité et des charges à supporter (frais de bureau, entretien et amortissement du matériel, paiement des agents, etc.), les associations de précollecte ont tendance à offrir leurs services dans les quartiers habités par des populations à revenus moyens. C’est ainsi que naît le contraste entre des quartiers parfois limitrophes. C’est le cas par exemple du quartier Tokoin Habitat et du quartier Tokoin Gbadago.
En effet, Tokoin Habitat est un quartier résidentiel habité par les classes moyennes où tous les ménages ont souscrit à des contrats d’enlèvement des ordures ménagères avec les associations et ONG opérant sur place. Etant donné que dans ce quartier on paye bien et à temps les redevances mensuelles de ramassage d’ordures, toutes les maisons sont salubres. Les rues sont propres et on ne note aucun dépotoir sauvage ou trou à ordures. La population est toujours satisfaite d’après les habitants de ce quartier que les collecteurs d’expériences et de paroles ont rencontrés.
A l’opposé, Tokoin Gbadago est un vieux quartier de Lomé contigu au quartier Tokoin Habitat. C’est un quartier populeux où vivent des populations en majorité à faibles revenus sans ressources suffisantes pour payer la redevance mensuelle de collecte d’ordures. Les rues sont mal entretenues, les égouts sont à ciel ouvert et l’on jette les ordures à chaque coin de la rue. Seuls quelques ménages qui remuent ciel et terre pour payer les redevances mensuelles sont servis par les associations et ONG. La majorité de la population de ce quartier laissée à elle-même, crée des dépotoirs sauvages, creuse des trous à ordures et continue de végéter dans un environnement insalubre. Le canal à ciel ouvert destiné au drainage des eaux de pluie qui traverse le quartier est utilisé comme dépotoir par certains ménages.
Quant aux quartiers spontanés, ceux-ci sont caractérisés par une absence d’infrastructures sanitaires et un manque de dépotoirs intermédiaires. Là, le service public est totalement absent.
Il convient de rappeler que même avec SOTOEMA, avec les ressources limitées de la municipalité, le service d’enlèvement des ordures était assuré sur les grandes artères, faisant une priorité aux riverains.
Au total, le service relatif aux déchets n’est pas délivré à l’ensemble de la population de la commune.
5.2. Enjeux/ Défis concernant l’inclusivité
Assurer un service public d’enlèvement des ordures à l’ensemble de la population de la commune ;
sensibiliser les populations dans le sens de leur contribution à la production du service.
5.3. Propositions concernant l’inclusivité
5.3.1. Propositions de gouvernance
adopter une approche inclusive autour de la tarification dans le secteur d’enlèvement des ordures.
5.3.2. Propositions techniques
aménager l’espace urbain pour faciliter la circulation des engins utilisés pour la collecte des ordures ;
créer et aménager des dépotoirs intermédiaires dans tous les quartiers ;
construire des habitats sociaux et déplacer les populations des habitats spontanés et précaires ou vivant dans des zones inondables ;
initier des projets de construction des latrines privées et publiques dans les vieux quartiers qui en sont dépourvus ;
poursuivre l’extension de l’adressage des rues à l’ensemble de la ville ;
créer une brigade de protection des zones inondables.
6. INGENIERIE INSTITUTIONNELLE
6.1. Constat/ Diagnostic concernant le dispositif institutionnel
Divers acteurs s’investissent dans la gestion des ordures ménagères dans la commune de Lomé. Il s’agit de la Direction des Services Techniques de la mairie, des Directions techniques des ministères, des entreprises privées, des associations et ONG de précollecte et des Comités de Développement de Quartier (CDQ).
6.1.1. La Direction des Services Techniques de la municipalité (DST)
Créée en 1995 dans le cadre de la coopération entre la mairie et la Banque mondiale, la DST est dirigée par un Directeur qui collabore avec une équipe de techniciens en génie civil et en conduite d’engins. Elle dispose d’un matériel roulant très modeste. Cette faiblesse de la DST justifierait son approche de faire faire par les associations de précollecte et les entreprises privées. En effet, c’est la DST qui a compétence pour signer les contrats avec les prestataires de services dans le domaine de la gestion des ordures ménagères.
Après plusieurs années de va-et-vient entre la méthode artisanale et la mécanisation, il ya aujourd’hui une volonté sans équivoque de la part de la municipalité de rompre avec la pratique d’enlèvement des ordures par les charrettes à traction humaine. Dans le cadre de la mise en œuvre du Projet PEUL, l’enlèvement des ordures sera assuré par des tracteurs et des camions à benne tasseuse. Ces engins remplaceront les charrettes à traction humaine. Pour ce faire, la mairie a invité les associations de précollecte à se transformer en Groupement d’Intérêt Economique (GIE). Mais cette transformation est retardée par la faible capacité financière des structures.
La municipalité vient d’instituer le système de pesage pour la rémunération des opérateurs avec l’installation du pont bascule à la décharge finale. Les opérateurs ne sont plus rémunérés sur la base du nombre de voyages effectués, mais plutôt sur la base du poids d’ordures effectivement transportées à la décharge finale. Aujourd’hui, sur la base d’un contrat, les grandes artères de la capitale sont entretenues par des camions-balayeurs d’une entreprise privée ghanéenne dénommée Zoom Lion.
A côté de ces efforts, il convient de rappeler que dans la commune, les infrastructures d’assainissement sont pour la plupart vétustes et le système de drainage des eaux de pluie est encore à revoir. A Lomé, il y a de nombreuses rues sans caniveaux. Il n’existe pas à Lomé une unité de recyclage d’ordures. La première pierre a été posée pour la création d’une unité mais le projet n’est pas encore effectif. Si le recyclage artisanal se fait à Lomé, le recyclage industriel des déchets collectés à Lomé se réalise en dehors du pays. C’est le cas du fer usagé.
Aussi, la promiscuité entre la décharge finale et les populations riveraines reste une préoccupation des autorités communales, sans oublier le fait que Lomé, avec une population de 2.000.000 habitants, ne dispose que d’une seule décharge finale. Pour les déchets liquides, un problème de site se pose et la mairie est à la recherche d’une décharge pour ce type de déchets.
Par ailleurs, l’exécution des travaux d’enlèvement des ordures et de curage des caniveaux par les opérateurs n’est pas toujours soumise à un contrôle effectif et rigoureux. On observe encore à Lomé des camions transportant des ordures sans filets protecteurs. Les travaux de curage des caniveaux constituent un travail de Sisyphe alors que la municipalité reçoit des appuis institutionnels, organisationnels, techniques et financiers de la part des partenaires en développement.
6.1.2. Le secteur public
Les Directions techniques des ministères contribuent à l’amélioration du cadre de vie dans les domaines relevant de leurs compétences respectives. C’est le cas du ministère de la santé par le biais du service d’hygiène et de salubrité qui assure tant bien que mal la police sanitaire et environnementale. Le ministère de l’urbanisme se bat tant bien que mal pour empêcher que les populations construisent et s’installent dans les zones inondables. Quant au ministère chargé des collectivités locales, il est chargé de l’aménagement du territoire.
En outre, de façon ponctuelle, l’armée est impliquée dans la mise en œuvre des projets de salubrité financés par l’Etat Major des Forces Armées Togolaises.
6.1.3. Le secteur privé
S’agissant du secteur privé, les plus importantes entreprises privées opérationnelles que nous avons pu rencontrer sont : l’entreprise de l’Union, la société WATTERA, l’entreprise ICON-SARL et la société ANANDA. Ces entreprises qui ont au moins une dizaine d’années d’expérience, disposent chacune de matériel composé de camions à benne tasseuse, de chargeurs, de camions porte-conteneurs, de conteneurs d’une capacité d’au moins deux tonnes chacun, de camions dépanneurs, de véhicules long gros porteur et convoyeur de matériel lourd, de motos servant d’engins de liaison pour les contremaîtres et d’équipement informatique pour le dessin industriel.
En plus, elles disposent de personnel qualifié composé de chauffeurs de camions, de conducteurs de chargeurs, de conducteurs réservistes de chargeur, de contremaîtres, de gardiens de sites et d’agents de propreté.
Ces entreprises privées sont suffisamment équipées et disposent des ressources humaines formées et expérimentées.
6.1.4. Les associations et ONG de précollecte
A la faveur de l’amélioration du cadre juridique associatif et de la crise socio-économique qu’a traversée le Togo, Lomé a connu une prolifération d’associations et d’ONG de précollecte, à l’initiative de jeunes sans emploi et sans formation préalable. Travaillant individuellement ou organisées en fédérations, ces structures assurent l’enlèvement des ordures avec un équipement essentiellement composé de charrettes à traction humaine. Quelques associations ont une expérience d’enlèvement des ordures par des camions. Mais ces rares expériences ont été interrompues face aux pannes répétées des camions utilisés qui en fait étaient des engins d’occasion.
Une des faiblesses des associations de précollecte est liée à la gouvernance institutionnelle et financière. A cela s’ajoute la perception sociale négative du travail d’enlèvement d’ordures, découlant du défaut de professionnalisation du secteur. D’un côté, la société ne considère pas l’enlèvement des ordures comme étant un travail comme tout autre. Ainsi, les agents sont exposés à des traitements humiliants de la part de certains ménages. D’un autre côté, l’agent de précollecte ne considère pas son travail au même titre que le réparateur du coin, le conducteur de taxi, etc. Pour la plupart, ils sont arrivés à se travail par défaut. Cette conception de leur travail a une influence considérable sur la gestion des structures, la qualité et la rentabilité du service.
Par ailleurs, les associations et ONG de précollecte reçoivent de façon ponctuelle des appuis divers de la municipalité, des partenaires en développement et des organisations humanitaires comme le Rotary Club.
6.1.5. Les Comités de Développement de Quartier (CDQ)
A Lomé, chaque quartier dispose d’un Comité de Développement du Quartier (CDQ). Ces structures sont chargées de toutes les questions relatives au développement dans le quartier. C’est à ce titre que ces comités se chargent de la salubrité et de l’assainissement en organisant, parfois avec l’appui matériel et humain de la municipalité, des opérations ‘’quartier propre’’. Il arrive qu’un CDQ reçoive un appui de partenaires en développement pour la salubrité ou pour la réalisation d’infrastructures sanitaires.
6.2. Enjeux/ Défis concernant l’ingénierie institutionnelle
Assurer la protection de l’environnement et la santé des populations riveraines du site de la décharge finale ;
assurer un service de salubrité dans la ville avec des moyens/ équipements professionnels, modernes et adaptés à l’espace urbain ;
assurer le recyclage des déchets ;
améliorer la gouvernance institutionnelle au sein des associations de précollecte d’ordures ;
assurer un service de vidange des déchets liquides par des moyens modernes ;
Gérer le site de la décharge finale sur la base d’une vision alliant ingénierie institutionnelle et agrégation dans le temps.
6.3. Propositions concernant l’ingénierie institutionnelle
6.3.1. Propositions de gouvernance
créer un cadre de renforcement de capacités et d’échange d’expériences entre tous les acteurs intervenant dans la gestion des ordures ;
prendre des mesures incitatives pour faciliter la création d’entreprises performantes dans la gestion des ordures ;
adopter la gouvernance légitime au sein des associations et ONG de précollecte d’ordures ;
respecter les procédures de passation des marchés publics ;
éduquer et sensibiliser les populations au tri des ordures.
6.3.2. Propositions techniques
Multiplier les sites de décharges loin des habitations ;
créer une unité de recyclage à Lomé et assurer le recyclage industriel des déchets produits ;
encourager et intensifier la recherche-action dans le domaine de la valorisation des déchets ;
aménager les berges de la lagune pour en faire un pôle attractif et commercial ;
régénérer l’environnement abritant la décharge finale ;
aménager l’espace urbain pour le rendre praticable aux engins de précollecte ;
accompagner les associations de précollecte et les entreprises privées dans la recherche d’un équipement moderne et pour la professionnalisation du secteur ;
doter la municipalité d’un budget conséquent.
7. AGREGATION
7.1. Constat/ Diagnostic concernant l’agrégation
Certes, un cadre juridique favorable à la création de petites structures de précollecte d’ordures reste un atout. Cependant, un problème de coordination se pose. Les acteurs de la gestion des ordures ménagères travaillent chacun de son côté, sans une coordination globale. Une tentative de coordination des associations par la commune en 2006 a connu un échec. Or, sans coordination, le service rendu ne peut prétendre à l’efficacité et à la satisfaction des bénéficiaires.
Parfois, des travaux de débouchage des caniveaux sont repris régulièrement pour travail mal fait. Les caniveaux remplis de déchets constituent une des causes des inondations qui entraînent des déplacements de populations. Dans la conception des infrastructures d’assainissement, il n’a pas été suffisamment tenu compte de l’évolution de la concentration et du comportement de la population. Le canal à ciel ouvert de Gbadago reçoit les déchets de toutes sortes et constitue un danger permanent pour les populations. Sans une projection dans le temps, les 2000.000 habitants du grand Lomé ne disposent que d’une seule décharge finale qui risque d’être débordée dans les prochaines années surtout qu’il n’y a pas de traitement de déchets déversés.
Par ailleurs, les ouvrages publics souffrent d’une crise de gouvernance. La mauvaise gestion a entraîné dans certains quartiers, la fermeture de latrines publiques et de kiosques à eau réalisés dans le cadre de projets financés par des partenaires en développement.
Au demeurant, tous les appuis dont bénéficient les acteurs tels que la municipalité, les associations et ONG de précollecte et les Comités de Développement de Quartier (CDQ), sont des appuis ponctuels et basés sur une approche projet. En plus ces projets n’embrassent pas de façon systémique la problématique des déchets à Lomé.
7.2. Enjeux/ Défis concernant l’agrégation
assurer un service d’assainissement et d’entretien durable des rues et des caniveaux sur l’ensemble de la ville ;
assurer un cadre de vie meilleur durable dans toute la ville ;
Gestion du site final sur la base d’une vision à long terme.
7.3. Propositions concernant l’agrégation
7.3.1. Propositions de gouvernance
Structurer et coordonner la coopération et les opérations de gestion des ordures dans la ville ;
gérer de façon rationnelle et transparente les équipements ;
opter pour une approche programme en matière de gestion des déchets ;
gérer efficacement les latrines publiques.
7.3.2. Propositions techniques
Aménager les rues avec des caniveaux appropriés ;
assurer un contrôle et un suivi régulier dans l’exécution des travaux publics ;
construire et aménager des sites de décharge loin des habitations ;
développer la recherche pour le traitement des déchets liquides ;
encourager la construction des latrines à fosses sceptiques.
8. DEVELOPPEMENT DU CAPITAL HUMAIN
8.1. Constat/ Diagnostic concernant le développement du capital humain
Au niveau des entreprises privées, il y a un manque d’échange d’expériences. Concernant la municipalité, on note un manque d’opportunités d’échange d’expériences avec d’autres municipalités telles que la municipalité d’Accra citée en exemple par les participants à l’atelier de lancement de l’initiative sur la délivrance des services publics de base.
Malgré la faiblesse en ressources humaines des associations et ONG de précollecte et des Comités de Développement de Quartier, l’échange d’expérience est encore timide. Elle se fait entre quelques associations de précollecte et quelques quartiers de la ville.
8.2. Enjeux/ Défis concernant le développement du capital humain.
Assurer la salubrité de la ville, préserver l’environnement et la santé des populations avec des ressources humaines adaptées.
8.3. Propositions concernant le développement du capital humain
8.3.1. Propositions de gouvernance
Créer des opportunités d’échange d’expériences entre la commune de Lomé et d’autres municipalités ;
créer un cadre permanent d’échange d’expériences entre acteurs (secteur privé, associations, ONG, comités de développement de quartier)
encourager les acteurs en faveur de la capitalisation de leurs expériences
créer les conditions de la professionnalisation du secteur de la gestion des déchets.
8.3.2. Propositions techniques
Renforcer les capacités techniques des acteurs
9. CONCLUSION
Le principe de l’enracinement souffre de la situation de pauvreté généralisée dans laquelle vit la majorité de la population de la commune qui n’est pas prête, en dehors d’un mécanisme de financement du service par des taxes indirectes, à contribuer à la production du service relatif à la gestion des déchets.
La coopération entre les différentes familles d’acteurs existe. Cependant, une coordination permettant l’harmonisation des réponses et la coordination des financements dans une approche programme est encore attendue. C’est la raison pour laquelle, malgré la multitude d’acteurs dans le secteur, la problématique reste entièrement posée.
Le service n’est assuré ni à tous les quartiers de la commune, ni à l’ensemble de la population. A regarder de très prêt, il y a une discrimination involontaire entre les quartiers et entre les différentes populations. En tout cas, tout le monde ne bénéficie pas sur une base égalitaire du service d’enlèvement des ordures ménagères. La disparité du service rendu est frappante parfois entre deux quartiers voisins. Dans ces conditions, le service est loin d’être inclusif.
Les infrastructures sanitaires aujourd’hui vétustes n’ont pas été conçues avec une projection dans le temps en tenant compte de l’évolution de la pression démographique dans une ville capitale. Le principe relatif à l’agrégation dans le temps et dans l’espace n’est pas respecté.
Parallèlement, s’il est vrai qu’il existe des entreprises privées bien équipées et dotées d’une expérience considérable, la culture de la capitalisation et de l’échange d’expériences n’est pas encore ancrée dans la pratique des acteurs. La commune de Lomé ne s’offre pas des opportunités d’échange d’expériences avec d’autres municipalités de la sous-région en vue du développement du capital humain.
En tout état de cause, les difficultés de financement du service dans la durée et pour l’ensemble des populations rejaillissent sur l’ingénierie institutionnelle de certaines structures, influençant l’inclusivité et l’enracinement.