Les espaces publics de cogestion peuvent participer à la construction d’une citoyenneté active et contribuer au contrôle démocratique de l’aide au développement
Par SANE, Ansoumana, LECOMTE, Benoît
Ansoumana SANE, cadre de l’ONG RODALE-Sénégal et Président de la Cellule inter-ONG de la région de Thiès (Sénégal):
"La naissance de la "Cellule inter-ONG" de Thiès date de très longtemps, depuis 1986 je pense. Dans le temps, le Comité des ONG d’Appui au Développement (CONGAD - Dakar) n’était pas aussi structuré et les ONG de la région de Thiès voulaient trouver un champ de concertation entre elles pour éviter de faire les mêmes choses en même temps et dans les mêmes villages. Cette idée a poussé les ONG à se retrouver au niveau d’une "Cellule" qui a pris de l’ampleur et on a même intégré quelques projets étatiques.
Avec le changement institutionnel au Sénégal, progressivement le CONGAD a pensé qu’il fallait qu’il décentralise ses activités au niveau des régions. Dans chaque région, un certain nombre d’ONG sont affiliées au CONGAD qui a maintenant 10 cellules régionales conçues sur la base de l’expérience de Thiès.
Ici à Thiès, la Cellule veille à la coordination des interventions mais organise aussi des animations scientifiques. On fait appel à des gens qui nous tiennent un discours sur la problématique de l’intervention des ONG dans la région ou au niveau national. Ceci pour voir ce qu’il y a de fait, ce qui a été réussi, quels sont les échecs, dans quelle direction il faut avancer, quels doivent être nos rapports avec nos partenaires paysans. La Cellule a aussi pensé à l’aspect social en créant une coopérative d’habitat pour les employés des ONG. La situation de ces derniers est à la fois enviable et peu enviable du fait de la précarité de l’emploi. Nous nous sommes dit : "pourquoi ne pas créer une coopérative d’habitat, trouver des zones où on peut nous allouer des terres et bâtir une cité pour les employés des ONG et leurs familles". Le dossier est très avancé.
Nos autres activités sont en relation avec les collectivités locales. La question de la décentralisation est centrale. Comment mettre en place un système de coordination et d’appui aux collectivités locales ? Entre le Conseil régional, les services administratifs et la cellule inter-ONG, on réfléchit à l’harmonisation des interventions des ONG dans les différentes zones. Il faudrait, sur la carte de la région, voir la problématique de chaque zone et là où chaque ONG, suivant ses compétences, peut intervenir au lieu de faire n’importe quoi dans n’importe quel village.
Notre priorité pour les années à venir est le renforcement de notre partenariat avec les Collectivités locales et en particulier de diversifier dans chaque Communauté Rurale les activités des ONG. Par exemple que des ONG qui faisaient seulement de la santé puissent comprendre que le développement ce n’est pas seulement la santé. Quand on guérit des gens dans un village et qu’ils sont bien portants, si ces gens là ont des terres dégradées qu’est-ce qu’ils peuvent faire ? Ou quand ces gens là n’ont pas la capacité technique de conduire une activité cela pose problème. S’il y a une ONG qui "fait santé", il faudrait qu’une ONG vienne à la demande des populations pour faire de l’hydraulique, une ONG des routes, une ONG de la formation, pour qu’au moins une localité puisse avoir un développement équilibré. Il faut que différentes ONG se retrouvent autour d’une même table pour que celle qui fait de la santé puisse avoir les moyens, celle qui fait l’hydraulique la même chose, sans pour autant créer des problèmes.
Il faut qu’on essaie de renforcer notre système de partenariat avec les collectivités locales mais aussi et surtout faire en sorte qu’on puisse garder notre éthique : on est là pour accompagner les populations et non pas pour vivre sur le dos de ces gens.
Toute ONG qui adhère à notre philosophie peut être membre de la cellule. Les ONG écrivent et demandent à être membre de la cellule. Si on en accepte une, on lui donne une carte de membre. Au début, on disait que nos membres seraient les ONG qui étaient basées à Thiès mais après on s’est rendu compte qu’il y avait des ONG basées à MBour, à Tivaouane et dans d’autres départements qui interviennent dans la région. Les ONG basées au niveau de Thiès, c’est environ 25 ONG. On attend de rassembler toutes les données pour avoir une vue globale du nombre d’ONG qui effectivement interviennent dans la région de Thiès. Parmi elles, il y a de tout : des ONG nationales et internationales et des projets d’aide extérieure.
Mais on veut aussi intégrer les Unions d’organisations paysannes comme membres à part entière de la Cellule inter-ONG. Notre objectif ce n’est pas d’avoir cette étiquette d’ONG mais une étiquette beaucoup plus large autour de laquelle graviteront des organisations paysannes de grande envergure. On va voir comment ces gens là nous perçoivent et on essaiera au fur et à mesure d’améliorer nos relations avec les organisations paysannes".
Les ONG actives dans la région de Thiès (Sénégal) ont créé il y a 15 ans une cellule de concertation entre elles "pour éviter de faire les mêmes choses en même temps et dans les mêmes villages". Notre interlocuteur n’évalue pas les résultats atteints mais son propos montre qu’il reste du chemin à parcourir. Il souhaite aussi que les organisations paysannes (nombreuses dans cette région) acceptent d’intégrer le "collectif ONG" quitte pour ce dernier à changer d’étiquette. Une évolution à suivre !
Comment le changement institutionnel au Sénégal provoqué par les Organisations Paysannes puis par la décentralisation de l’Etat a entraîné les ONG d’appui au développement.