Par LUMISA BWITI, Godefroi, OKONGO DISACH, Aline
Aline Okongo Disachi, une congolaise de 52 ans, veuve depuis 1991, solide sur ses deux jambes, est pleine d’énergie. Pourtant, depuis un dizaine d’années, elle est séropositive. ’C’est en 1989 que j’ai appris que mon mari était atteint. J’enterrais alors l’une de mes soeurs également malade du sida. Quand je l’ai appris, ça a été un grand choc pour moi. Car je ne pouvais un seul instant imaginer que mon mari, un médecin, pouvait contracter cette maladie et mettre ma vie en danger’, raconte - t- elle. Une année après la mort de son mari, le test confirme sa séropositivité. Pendant deux ans, Aline Okongo va vivre un véritable calvaire.; ’ Je me suis alors retrouvée seule. J’avais quatre gamins que la belle famille a récupérés. Voyez, j’étais habituée à vivre avec mes enfants, à les entendre rire, courir, casser des verres, se disputer...Puis, tout d’un coup,plus rien! ’; Un grand vide s’est créé tout autour d’elle. A l’école où elle enseignait : ’J’ai perdu mon emploi et mes amis’. Dans sa propre famille où elle est retournée, après avoir été expulsée par son propriétaire : ’ On a intoxiqué ceux qui vivaient encore avec moi, raconte Aline. ’Voilà pourquoi je me suis dit: il faut briser le silence, montrer et prouver à tout le monde que le sida n’est pas seulement mon affaire. Quand j’ai récupéré mes enfants, je me suis dit que le virus qui a emporté leur père et contre lequel j’étais en train de lutter, attendait mes enfants au tournant. Allais - je continuer de me taire et laisser ce virus dévorer mes enfants? ’; En 1995, avec un petit groupe de femmes séropositives, Aline Okongo monte l’association ’Femmes Plus’ dont le premier objectif est de protéger les enfants. ’Nous étions déjà victimes mais il ne fallait pas que nos enfants le soient à leur tour par ignorance.’ dit - elle. Une année plus tard, en 1996, elle crée ’Apostolat pour la libération des personnes infectées par le sida (.Alpi-Plus )’. ’Mon objectif n’est pas de me venger d’un homme mais de lutter contre le virus. Aujourd’hui, si l’on apprend que vous avez le sida, c’est le rejet, l’abandon, la stigmatisation. Ma vengeance c’est d’aider la personne séropositive à retrouver toute sa dignité. On a le droit de vivre, de travailler et même de se marier, pourquoi pas, comme tout le monde. Enfin, il faut mobiliser un maximum de gens pour ensemble vaincre le sida ’.
; Dans la vieille cité de Kitambo, à Kinshasa cité où l’association est installée, des femmes séropositives viennent courageusement se confier à la dizaine de personnes qui y travaillent. ’ Ici, c’est un service de conseil, explique la présidente. On parle avec les personnes atteintes. On leur explique ce qu’est la maladie. Car les gens pensent que quand on est atteint, on meurt du jour au lendemain. On leur explique alors les différentes étapes de la maladie, de la séropositivité qui peut durer une dizaine d’années... On leur dit que s’ils se font moins de souci, ils auront peut-être une chance de vivre un peu plus longtemps. ’; Ces conseils s’accompagnent d’un traitement à base de plantes et d’une asssisatance alimentaire. ’ En plus des médicaments modernes qui nous aident à combattre les maladies opportunistes, nous administrons aux malades le Nizhio, qui est une combinaison de six plantes. Grâce à cette aide, nos malades reprennent confiance en elles.; Alpi-Plus s’efforce aussi de sensibiliser les populations à risque. ’ J’explique à partir d’un tableau simple combien de temps met une personne qui attrape le virus avant de développer la maladie. Quand on arrive à la séropositivité, les gens ne connaissent pas souvent la différence avec la maladie déclarée’ dit Aline. ’Quand ils me regardent et qu’on leur dit que j’ai le sida, ils mettent cela en doute car je suis forte et pèse près de 100 kilos. On parle alors, sans tabou, de sexe, d’abstinence, de fidélité, de préservatifs. On parle des dégâts du sida en simulant un exercice appelé ’ feu de brousse’, où l’on montre à partir d’un individu qui est atteint comment il peut contaminer toute une communauté, à l’image d’un feu qui peut se propager à travers toute une brousse ’ explique-t-elle aussi.
Le message que transmettent ces femmes à tous ceux qui vivent avec le sida est simple: ’J’ai le virus et je ne voudrais pour rien au monde le transmette à quelqu’un d’autre’. Depuis mai 2000, elles sillonnent même les différents camps de policiers de Kinshasa. ’Nous les invitons à avoir une sexualité responsable. Nous n’hésitons pas par exemple, à inviter un policier à venir faire une exhibition sur l’utilisation du préservatif. S’il hésite, nous sortons notre matériel, le sexe en bois où l’on applique le préservatif. Cela provoque d’abord un choc, mais c’est une façon de casser les mythes ’.
es femmes d’Alpi-Plus vont aussi vers les jeunes, dans les écoles, les clubs, les églises. En 1999 grâce à un budget de l’Union européenne, elles ont touché 10 écoles. Elles y forment des ambassadeurs d’Alpi-Plus, pour pérenniser l’action de l’association. Dans la commune de Kitambo, la campagne de sensibilisation est particulièrement active. Début juin, devant des dizaines de jeunes de 8 à 20 ans, Aline interroge: ’ Qui a parlé du sida avec ses parents? Personne. Et puis, à quel âge commencez-vous à avoir vos premiers rapports sexuels? ’ A 10, 12,13 ans_, répondent les jeunes dans la salle. ’Alors, comment voulez-vous qu’il n’y ait pas 22 millions de séropositifs en Afrique?