Par NDIAYE, Ibrahima
Dernier trimestre de l’année 1997, le Sénégal, à l’instar des autres pays africains organise des journées nationales de vaccination ( JNV ) pour "bouter la polio hors d’Afrique". L’Etat compte alors s’appuyer sur les structures sanitaires existantes. Cette reprise du schéma traditionnel pose des problèmes aux populations du quartier champ des courses et environ. En effet le centre de santé qui s’y trouvait est supprimé pour un autre plus moderne mais situé loin, à la périphérie de la ville, et s’y rendre nécessite des frais de transport.
Conscients que cet éloignement et les frais qu’il engendre, ajoutés aux autres désagréments que pose une grande affluence vont réduire le taux de couverture vaccinale, les jeunes ont décidé de monter un point de vaccination dans le quartier. Le médecin - chef régional contacté à cet effet demande au médecin chef du département de mettre à notre disposition la quantité de vaccins nécessaires. Ce dernier n’a pas manqué de nous demander au passage nos prétentions personnelles : il nous fallait juste un cadre bien à l’abri des vents en cette période d’intempéries.
Le maire de la commune d’arrondissement de Rufisque Nord sensibilisé sur la question accepte d’accueillir les JNV dans les locaux de la mairie et de prendre en charge quelques menus frais d’organisation d’un montant de 21 000 F CFA pour la location de chaises, une animation musicale, un reportage photo et vidéo.
Pour assurer un plein succès à la campagne, nous avions même impliqué les élèves de l’école élémentaire en leur demandant de parrainer chacun un enfant en âge de se vacciner. Concrètement chaque élève devait amener son cadet se faire vacciner. Des communiqués ont été diffusés à travers les haut-parleurs des mosquées, non sans difficultés car certains annonceurs, ne pouvant pas admettre le caractère bénévole de notre participation, réclamaient une contre partie financière.
La veille de l’activité le maire n’est pas au rendez - vous préalablement fixé pour finaliser les dispositions organisationnelles. Rencontré au hasard, il nous notifie son désengagement et l’explique par l’information fournie par le secrétaire municipal et selon laquelle toutes les dépenses relatives aux JNV sont prises en charge par les promoteurs que sont l’Etat et les bailleurs de fonds. Il fut donc arrêté que l’activité ne se tiendrait plus dans l’enceinte de la mairie.
Le jour de l’activité le maire s’est vite rendu compte de son erreur car ses locaux sont envahis de bonne heure par les populations pour les besoins de la vaccination. Alors il se dirige rapidement vers l’équipe des jeunes initiateurs et les supplie de faire quelque chose. Consciente de l’enjeu, l’équipe se met à l’ouvre et ainsi plus de 800 enfants de moins de 5 ans sont vaccinés malgré l’opposition du secrétaire municipal qui soutenait d’une part que la mairie n’est pas un lieu destiné à la vaccination et d’autre part que le budget de la mairie ne devait pas servir à cela.