Par BA, Pape Mamadou, GADJIGO
Manaél est un village peulh de la région de Tambacounda à l'est du Sénégal. A environ seize kilomètres de Bakel, Manaél se situe à la frontière sénégalo-mauritanienne.
L'une des particularités de ce village est assurément la forte dynamique d'intégration qui s'y dessinait. Les Sénégalais de Manaél avaient des champs en terre mauritanienne. La partie du territoire mauritanien contiguë au fleuve n'était pas peuplée. Les Sénégalais la mettaient en valeur et l'exploitaient. Et vice versa, les mauritaniens avaient aussi des terres sur le territoire sénégalais. Les populations traversaient le fleuve par où bon leur semblait pour aller même se promener soit en territoire sénégalais, soit en territoire mauritanien. Aucune délimitation n'était perceptible, d'autant plus que chacune des populations avait ses parents de l'autre coté.
Un pêcheur mauritanien qui s'était installé prés de Manaél, du côté mauritanien, avait trouvé dans les populations de ce village un marché d'écoulement du produit de sa pêche. Une fois par année, il remplissait sa pirogue de poissons qu'il offrait gratuitement aux villageois de Manaél. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui sont allés de l'autre côté de la frontière construire l'habitation du pêcheur, par solidarité et par bon voisinage.
Malheureusement en 1989 s'est déclenché au nord de la frontière un conflit entre les deux communautés sénégalaise et mauritanienne. Ce conflit relayé par la presse prit de l'ampleur et s'est transposé dans les capitales des deux pays, faisant beaucoup de morts de part et d'autre. Dans chaque pays, les ressortissants de l'autre pays étaient pris à partie, battus et même tués. Un pont aérien fut organisé entre Dakar et Nouakchott et les survivants furent rapatriés. Depuis cette crise et pour la première fois, est installé à Manaél un poste de police des frontières qui fait face à son pendant mauritanien.
Depuis la crise et l'avènement des deux postes de police rien n'est plus comme avant. On ne plus passer par n'importe où, le passage par les deux postes est obligatoire. La mobilité des populations est ainsi réduite, induisant la presque impossibilité d'exploiter des champs en territoire mauritanien pour les Sénégalais, et vice versa. Il règne désormais dans la zone un climat de méfiance et de suspicion réciproque que tend à accentuer et à perpétuer les deux postes-frontières.