Comment réinvestir les pratiques acquises dans le milieu associatif au profit des communes
Par Sidiki Daff, Mouhamadou Madhiyou Bâ (Guédiawaye, avril 2005)
Le département de Guédiawaye est une banlieue de la ville de Dakar avec environ 300 000 habitants qui s’entassent sur environ 93 km2. ce département compte 05 communes d’arrondissements (mairies de quartiers) et une grande mairie appelée Ville de Guédiawaye. Ndiarème Limamou Laye est une de ces communnes d’arrondissement (CA). En mai 2002, les élections municipales ont permis l’élection d’une nouvelle équipe.
Le maire de Ndiarème Limamou Laye est un produit du milieu associatif car il a eu à intervenir pendant de longues années dans des associations de son quartier.Une telle expérience le dispose à comprendre l’importance des processus participatifs dans le développement local. En septembre 1998, entant que conseiller municipal de l’opposition, il signait avec d’autre conseillers sous l’initiative du Centre Recherches Populaires pour l’Action Citoyenne (CERPAC), un appel pour une gestion transparente des collectivités locales par la mise en œuvre du budget participatif (expérience menée à Porto Alegre où les habitants particpent directement au processus d’élaboration du budget et du contrôle de son exécution). D’ailleurs ce sera son thème de campagne électoral pendant les élections localesde mai 2002.
Elu maire de la commune d’Arrondissement, il essaie d’innover en matière de gestion locale avec l’appui du CERPAC qui a beaucoup travaillé sur le budget participatif. Vouloir appliquer tout de go le budget participatif au Sénégal serait prétentieux car les conditions ne s’y prêtent pas encore mais gérer les deniers municipaux est possible dès lors que la volonté et l’éthique politiques sont présentes.
Pour mener une expérience de gestion participative, la référence est la « Charte africaine du partenariat entre habitants et collectivités locales » élaborée en mai 2000 à Windhoek (Africités 2) par le Forum des habitants africains (des représentants d’associations venant de 15 pays d’Afrique). Cette charte énonce des principes simples, mais difficile à matérialiser, pour la construction d’un partenariat entre populations et élus municipaux :
1-La reconnaissance mutuelles entre partenaires : Les organisations de base, formelles ou informelles, sont une forme de représentation de la population. Les autorités locales de leur côté, issues d’une élection démocratique, constituent une autre forme de représentation de la population. Elles doivent reconnaître mutuellement leur légitimité.
2-Le partenariat ne peut demeurer informel. Il nécessite des lieux et un cadre de dialogue. Il doit reposer sur un processus participatif d’élaboration des décisions et de gestion des projets. Les partenaires, en prenant des décisions en commun, s’obligent à se rendre des comptes, les uns aux autres et au public.
3--La préparation participative des budgets permet de consolider la citoyenneté. Mais c’est le suivi des budgets qui crée les conditions de la confiance. Il faut que les comptes soient simples, accessibles à des personnes ayant un niveau faible de formation et que les habitants soient en mesure d’apprécier l’utilité et l’efficacité des dépenses.
Voilà les principes sur lesquels doit être développée l’expérience de Ndiarème Limamou Laye. Le maire a mis en place un comité de pilotage composé principalement de personnes de la société civile chargé de mettre en œuvre la démarche participative formalisée par la sortie d’un arrêté municipal et une délibération du conseil municipal. Pour mettre en branle ces principes, il est essentiel de mettre en place des structures adaptées.
Les structures ont été formalisées par des textes réglementaires (arrêté municipal), mais cela après une phase de prospection et de concertation avec les populations pour déterminer les modes d’organisation et de fonctionnement les plus adaptés. Apres des démarches et des discussions avec les acteurs de la commune, notamment les habitants, les structures suivantes ont été mises en place en présence du maire qui a renouvelé son engagement d’impliquer les populations pour une gestion transparente. les principales structures sont
1)Les Conseils Participatifs de Quartier (CPQ)
La composition des conseils participatifs de quartiers mis en place lors d’assemblées générales convoquées sur une place publique. Les délégués des comités ont été élus quand le consensus a été impossible.
2) Les conseils thématiques participatifs (CTP)
L’expression citoyenne ne se limite pas au quartier, les cpq ont été complétés par des conseils thématiques particpatifs autour de la santé et de l’éducation.
3-D’autres acteurs comme les conseils des femmes et des communicateurs traditionnels ont été mis en place dans l’optique de prendre en compte toutes les composantes de l’espace communal.
Les délégués de ces comités participent participent à une coordination et au conseil municipal où ils peuvent suivre les délibérations pour voir dans quelle mesure les intérêtes des habitants sont pris en compte. D’ailleurs le maire lui même doit rendre compte annuellement de sa gestion dans l’espace local d’interpellation démocratique (ELID) où il doit être en face des populations. Cet espace n’est encore fonctionnel.
Le processus est certes balbutiant mais on peut repérer certains points forts qu’il faudra davantage consolider
1-Organisation autonome des populations leur permettant de discuter de leurs problèmes sans aucune interférence de la mairie
2- L’engagement politique et éthique du maire
3- Le soutien unanime du conseil municipal toutes tendances politiques confondues
4- Organisation d’une journée d’échange sur la participation citoyenne avec visionnage de l’expérience de Porto Alegre qui montre qu’il est possible de gérer autrement les deniers publics
5-Organisation d’une formation en informatique pour tous les délégués des comités
6-Organisation d’un forum pour l’élaboration du Programme d’Investissement Communal (PIC) avec la participation de tous les acteurs de la commune.
Les écueils sont importants ce qui est inhérent à l’innovation car il s’agit de créer sans se référer à un prédécesseur.
1-Renforcer les capacités des populations, des élus et des agents municipaux
Le constat demeure que la formation des populations, des élus et des agents municipaux pour la maîtrise des textes de lois de la décentralisation est un enjeu si on veut ancrer la participation citoyenne à Guédiawaye. Pour contrôler l’action du maire, il faut maîtriser ces textes et avoir un bagage technique minimal.
2-Inclure tous les acteurs
Les chefs de quartier, des autorités traditonnelles, ne sont pas encore impliqués dans le processus. En effet ces personnalités porteuses de légitimité sociale bien qu’impliqués dans les luttes politiques partisanes. ILs sont respectés par les populations à cause de leur capacités à démêler les crises sociales les plus aïgues dans le quartier. Au cours des élections pour le choix des délégués, ils n’ont pas daigné se présenter aux élections.A la limite, ils se sont mis hors de ce mode de choix car le principe selon lequel « une personne équivaut à une voix » ne correspond pas à leur conception de la représentativité . Ne pas intégrer cette catégorie, c’est courir le risque d’en faire des adversaires très gênants pour les CPQ car ils sont investis d’une forte reconnaissance sociale. C’est pourquoi le comité de pilotage les a réunis pour les tranquilliser en leur montrant que ce processus ne remet pas en cause leur prérogative bien au contraire ils doivent s’impliquer et jouer le rôle de conseillers (ce qui correspond à leur fonction traditionnelle).
3- Mettre en place un service public municipal capable de répondre aux besoins des populations car pour le moment les communes d’arrondissement sont mal dotées juridiquement et matériellement. L’essentiel des moyens d’intervention pour répondre aux demandes sont contrôlés par les villes (la grande commune), les communes d’arrondissement étant confinées à des tâches de maintenance et d’entretien. Cela veut dire qu’il faudra articuler les échelles de gouvernance locale, la ville couvrant tous les territoires doit appuyer les municipalités engagées dans une dynamique d’innovation comme Ndiarème Limamou Laye
1) M Mouhamadou M Bâ est l’actuel maire de Ndiarème Limamou Laye
3_Cette expérience à été présenté lors d’un atelier organisé par l’Alliance Internationale des Habitants à Africités3 (Yaoundé Cameroun)le Décembre 2003. Cette expérience a reçu le prix du partenariat pour son originalité.