Lutte contre la corruption au Bénin
Par Huguette AKPLOGAN-DOSSA (Bénin, mars 2006)
La question de la corruption a été, de tout temps, une préoccupation tant des gouvernants que des gouvernés.
Moins de cinq ans après les indépendances, le Gouvernement du président AHOMADEGBE avait pris les premières mesures de lutte contre la corruption en dénonçant, le 14 mars 1964, au cours d’une conférence publique, les faits de corruption commis par les agents de l’Etat.
A l’avènement au pouvoir du régime révolutionnaire, le Discours Programme du 30 novembre 1972 avait, dans une forme imagée, frappé la conscience des citoyens par cette phrase célèbre : "Je gagne 15 F par mois, c’est ma solde, elle me suffit. Je voudrais simplement que tu saches qu’il y a eu dans ce pays trois hommes, trois politiciens qui gagnaient inutilement 25 francs par mois. Désormais, et pour compter du 26 octobre 1972, ces soixante quinze francs resteront dans les caisses de l’Etat. Voilà la vérité, et c’est une révolution" . Ce discours qui avait soulevé beaucoup d’espoir apparaissait comme le tocsin qui a sonné le déclenchement de la lutte contre la corruption, pour la réduction du train de vie de l’Etat, et pour la gestion rigoureuse des finances publiques. La création dans tous les services de l’Administration et au sein de toutes les sociétés d’Etat et offices, de Comités de Défense de la Révolution (CDR) avait soulevé de grands espoirs. Ces Comités de Défenses de la Révolution, en même temps qu’ils défendaient les idéaux révolutionnaires, veillaient à la sauvegarde des intérêts de l’Etat par une bonne gestion au sein des entreprises.
Plus tard, au mois de novembre 1985, une recommandation du deuxième congrès ordinaire du Parti de la Révolution Populaire du Bénin demandant au Comité Central "de prendre fermement toutes les mesures urgentes pratiques et efficaces requises pour la lutte révolutionnaire contre les détournements de deniers publics".
Le mal qu’est la corruption, loin de s’étioler, de s’estomper, s’est développé avec une ampleur effroyable. La corruption a pris des proportions endémiques effarantes. Après une série de textes fut prise et il n’y avait quasiment pas de conseil de Ministres où le Gouvernement ne statue sur le rapport de commissions d’enquête dépêchées dans les services publics ou les sociétés d’Etat pour des faits reprochés à un agent indélicat de l’Etat.
Au nombre des causes ayant sonné le glas du régime révolutionnaire, figure la corruption qui a conduit à la faillite généralisée de l’Etat. On pouvait noter les transferts frauduleux de fonds de banques nationales dans des comptes privés à l’étranger et le soudoiement préalable à toute nomination à des postes de haute responsabilité de l’Etat.
Le régime du Renouveau Démocratique a créé l’espoir d’une gouvernance meilleure lorsqu’il a décidé de faire rendre gorge aux pilleurs de l’économie nationale. L’une des actions les plus significatives a été l’arrestation d’un Marabout de nationalité malienne qui, en sa qualité de Chef de la Sécurité, a organisé le pillage des banques d’Etat. Le procès qui s’en est suivi, a bien révélé les limites du pouvoir d’alors à aller jusqu’au bout du processus engagé. Nombre de criminels économiques que l’on aurait pu écrouer sont laissés en liberté. Le régime s’est employé à créer les conditions propices à son propre enrichissement.
La "glasnot" étant devenue le maître mot du processus de démocratisation initié par la Conférence Nationale, beaucoup de forces exigent la participation aux affaires, est les pouvoirs publics se sentent de plus en plus comptables de leur gestion devant leurs mandants. Une prise de conscience au niveau des citoyens a permis d’identifier que la mauvaise gestion est un facteur important dans le régressement de l’économie nationale. Les jeunes, demeurés sans emploi, sont devenus beaucoup plus exigeants vis-à-vis de l’Etat pour une gestion saine des finances publics.
"La corruption est la plus grande menace au redressement du Bénin et à l’enracinement des valeurs de la démocratie républicaine. Il faut mettre fin à cet état de chose en redonnant à l’action publique sa fonction de service et développer une éthique de gestion patriotique de la chose publique ‘‘Préparer le Bénin du futur’’ rendu public en janvier 1996". Le Président de la République confirmant ce constat et réitérant son intention de lutter, déclara le 29 décembre 1997 devant l’Assemblée Nationale lors de son discours sur l’état de la Nation ce qui suit : "Du bilan politique, économique, social et culturel des différents régimes qui se sont succédés dans notre pays depuis son indépendance nationale et son accession à la souveraineté internationale, le 1er août 1960 jusqu’à ce jour, il ressort clairement que la gangrène qui explique la contre performance imputable à tous les gouvernements a pour nom : le non-respect du bien public, le tribalisme, le régionalisme, le népotisme, la corruption, l’abandon de toutes nos valeurs morales…C’est pourquoi dans la ferme volonté de mener une lutte implacable contre la corruption, mon gouvernement a sollicité l’appui de nos partenaires au développement dont la Banque Mondiale pour soutenir son action salutaire. C’est dans ce cadre que mon gouvernement a décidé avec le concours des partenaires au développement de notre pays de l’organisation d’un forum sur la moralisation de la vie publique au cours du premier trimestre de l’année 1998. L’objectif étant de susciter un large débat, d’engager de profondes réflexions entre les différents acteurs sociaux sur le phénomène de la corruption et ses conséquences désastreuses sur notre économie nationale. Ainsi sera impliquée fortement la société civile dans toutes les actions qu’exige notre lutte salutaire et qui vise au changement radical de nos mentalités rétrogrades avilissantes" .
Ce discours confirme les intentions des représentants du pouvoir exécutif à intimement associer la société civile à la lutte contre les phénomènes décrits ci-dessus.
Des audits réalisés dans la quasi-totalité des Ministères stratégiques ont conduit les bailleurs de fonds à imposer des conditions pour une meilleure gestion des ressources financières mises à la disposition de l’Etat.
Le contexte mondial où la transparence dans les affaires publiques est devenue une préoccupation majeure à telle enseigne que tous les Etats sont tenus d’afficher leur volonté de lutter contre la corruption.
La volonté politique exprimée à la Conférence Economique Nationale avec les "dix sept plus jamais ça " de la commission de la bonne gouvernance, le rapport de cette conférence a constitué un leitmotiv ayant galvanisé le Gouvernement pour une véritable lutte contre la corruption. En application des décisions de la Conférence Economique Nationale et la bonne volonté du Chef de l’Etat ont conduit à l’officialisation par décret et la dynamisation de la Cellule de Moralisation de la Vie Publique, l’organisation et la tenue d’un Forum de mobilisation de la Société Civile contre la corruption. Le lancement d’un audit en réduction de coût auprès de toutes les entreprises publiques par un cabinet étranger BETA. Même si les interventions de ce cabinet ont quelques impacts sur l’opinion, au point de hanter le sommeil des cadres placés à la tête des entreprises publiques, il y aurait des vices liés à l’installation de ce cabinet au Bénin. Les méthodes d’interventions qui permettent à ce cabinet de fixer le montant des émoluments à 30%, sur les économies réalisés par les entreprises du fait de la réduction de coup. Au vu du montant faramineux des horaires encaissés par le cabinet BETA on est en droit de se poser la question de savoir pourquoi est ce que l’on a fait appel à la concurrence publique internationale pour choisir ce cabinet. Le contrat le liant à l’Etat est gardé secret d’Etat au point où des citoyens intéressés n’ont pu en prendre connaissance encore moins des membres du gouvernement. L’Association des bureaux d’étude et consultants du Bénin a rendu public un communiqué condamnant la présence de BETA et qualifie ce contrat du "plus gros marché de prestation de services de cette fin de siècle". Hormis l’installation controversée du cabinet BETA qui ne date que d’un an, il est prématuré de se prononcer sur l’impact réel de cet audit en réduction de coût sur la performance des entreprises bénéficiaires de l’assistance d’une part et sur l’économie du pays d’autre part.
Dans un passé récent, lors de la cérémonie de présentation de vœux des ministres au chef de l’Etat le 06 janvier 2005 a peint la situation économique du Bénin en justifiant les contres-perfomances par des réalités extérieures à l’économie béninoise. Le Président, tout en reconnaissant les raisons évoquées par son Ministre pour justifier les difficultés économiques n’a pas occulté la source des malheurs du pays qui est la mauvaise gestion "Je m’en voudrais de me pas vous inviter chacun à faire son examen de conscience, sa critique………..face aux responsabilités qui sont les nôtres". Cf journal le matinal du 07 janvier 2005, qui a titré : Kérékou humilie ses ministres.
En jetant un coup d’œil du côté de la législation, on est fort surpris de constater que le Bénin dispose d’une armature juridique impressionnante favorable à une lutte contre la corruption.
ce texte qui est le résultat d’une étude commanditée par le réseau Social Watch Bénin au FONAC, retrace l’historique de la corruption au Bénin.il montre comment le phénomène de la corruption s’est sournoisement infiltré dans les méandre de la vie politique et soicio économique affectant du coup tout le système de gouvernance en le gangrénant. au point même de le mettre en panne.
il y a alors lieu de se poser réellement la question de savoir s’il y a effectivement une volonté politique avérée dans le cadre de la lutte contre ce fléau que constitue la corruption au Bénin ?
la lecture de cette fiche apportera des éléments d’analyse très importants au travail du groupe d’initiative: lutte contre la corruption quand bien même il ne révèle que le cas du Bénin