Le marché hebdomadaire sous-régional de Diaobé

Une dynamique populaire d’intégration contrée par les autorités administratives et locales

Diaobé est un village de la région de Kolda dans le sud du Sénégal. Une fois par semaine, le mercredi, Diaobé qui est à une soixantaine de kilomètres de la Guinée-Bissau est le lieu de rencontre d’abord de toutes les régions du Sénégal, mais aussi de tous les pays frontaliers du Sénégal. Sa position géographique stratégique en fait un véritable carrefour commercial où on rencontre des gambiens des guinéens de Conakry, des Bissau guinéens, des maliens et des burkinabé. Toutes ces nationalités y convergent pour commercer, négocier et échanger des produits de toutes sortes.

Cette intense activité économique à Diaobé, de par sa constance et son importance, a fini par favoriser le développement de dynamiques Socioculturelles intégratives complexes, induites donc par le marché hebdomadaire sous-régional.

Beaucoup de commerçants arrivent, au fil du temps, à s’établir une fois pour toutes à Diaobé, tout en ayant des attaches dans leurs pays d’origine. Ainsi de nombreux enfants guinéens et maliens fréquentent l’école élémentaire de Diaobé. Il y a même une jeune fille guinéenne qui a été acceptée au cours élémentaire première année après un simple test de lecture. Beaucoup de mariages entre nationalités différentes sont régulièrement célébrés. La langue dominante est le peulh mais toutes les langues et dialectes de la sous-région s’y parlent. Les notables témoignent que la plupart des habitants de Diaobé ont des parents dans l’un ou l’autre pays limitrophe. C’est dire qu’autant le village de Diaobé attire les populations des pays voisins, autant les originaires de Diaobé émigrent vers ces mêmes pays. C’est donc une dynamique a double sens. Il est donc tout à fait naturel ici que chaque famille sénégalaise de Diaobé témoigne de l’affection et du respect pour le guinéen, le

malien, le gambien ou le burkinabé.

Le village de Diaobé s’est étendu de façon vertigineuse à tel enseigne que le chef de village est incapable de donner même une estimation du nombre d’habitants. Diaobé vole ainsi la vedette, sur le plan du développement économique, social et culturel à Kounkané qui est le chef lieu d’arrondissement.

A la volonté des populations des pays limitrophes de s’établir fait donc écho le désir des familles sénégalaises de les accueillir et de vivre avec elles en parfaite harmonie.

Toutefois, ces populations des pays voisins sont confrontées à un véritable problème d’accès à la terre. Diaobé n’est pas loti, n’a pas d’électricité et manque terriblement d’infrastructures d’accueil malgré les importants enjeux du marché hebdomadaire sous-régional. Les traditionnels propriétaires terriens veulent toujours céder des terres d’habitation aux populations qui veulent s’établir dans le village mais les autorités administratives et locales, ayant compétence pour affecter et désaffecter les terres du domaine national, s’y opposent apparemment sans raison.

De la sorte, les populations de Diaobé partagent leurs maisons avec les frères et sours des autres pays. Un notable témoigne qu’il héberge une famille de migrants depuis huit années alors même qu’il y a beaucoup de terrains disponibles dans le village. Il s’ensuit que dans le village, les populations vivent dans la promiscuité et l’insécurité. Les gens s’entassent en surnombre dans des cases. Dernièrement une case a pris feu alors que dix personnes dormaient dedans.

A chaque fois qu’ils le peuvent, ces villageois consentent des sacrifices pour la construction et la consolidation d’un ensemble intégré et homogène. C’est ainsi que le président de l’association des parents d’élèves a consenti a cédé ses terres ancestrales pour permettre la construction du nouveau marché. Il n’a reçu ni une nouvelle affectation de terrain, ni un dédommagement quelconque. Aujourd’hui, il est même inquiété par le sous-préfet en raison du nouveau terrain qu’il occupe.

Malgré toutes ces difficultés, les villageois de Diaobé croient plus que jamais en l’intégration et au brassage. Cette conviction a été réaffirmée à l’occasion des conflits intervenus en Guinée Bissau et en Sierra Leone. En effet, le village a reçu, lors de ces évènements, des centaines de réfugiés. Tout le monde a trouvé normal que ces réfugiés viennent chercher la sécurité ici. En conséquence, ils ont tous été hébergés. Mais encore une fois, le conseil rural et le sous-préfet se sont opposés à leur accès à des terres d’habitation. Certains réfugiés ont été contraints de partir tellement leurs conditions de vie étaient précaires.

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