Une expérience de facilitation et de contrôle des élections par la société civile.
Par ATTAKLA-AYINON, Julien (2001)
Mars 1999, pour la troisième fois depuis l’ère du renouveau démocratique (en 1990), les béninois vont aux urnes pour désigner leurs députés. Mais pour la première fois, les électeurs béninois voteront en utilisant le bulletin unique. Le code électoral vient d’être révisé avec un renforcement de la répression des fraudes électorales.
Comment faire connaître aux citoyens le contenu du code électoral en particulier la procédure de vote avec le bulletin unique afin d’éviter un taux élevé de bulletin nul ? (Dans un contexte où les supputations allaient bon train sur la capacité ou non des illettrés à utiliser convenablement le bulletin unique)?
Comment inciter les populations à sortir massivement pour s’inscrire sur les listes électorales alors qu’elles envisageaient de boycotter ces élections parce désabusées par maintes promesses électorales non tenues?
Comment faire pour que les élections se déroulent dans la paix et la transparence ?
Par delà les actions initiées par la Commission électorale nationale autonome (Cena), déjà débordée par l’organisation matérielle des élections, au-delà des coups de gueule des politiciens plus préoccupés de gagner les élections que de participer à leur organisation, la société civile s’est assignée pour tâche de préparer le terrain afin que les élections se déroulent dans la paix et la transparence avec un taux élevé de participation des citoyens en âge de voter. Ainsi elle met en place (Réseau Béninois des ONG pour des Elections Pacifiques et Transparentes ( Le Répat ) qui est un regroupement d’associations et d’ONG non partisanes actives dans le domaine de l’éducation civique. Le Réseau fonctionne sur la base d’une charte adoptée par les membres le 07 Février 1999.
Le Répat a mené plusieurs actions de sensibilisation dont:
L’opération Zémidjan est une opération qui a consisté en la confection de 1.500 blouses distribuées aux conducteurs de taxi-moto communément appelés Zémidjans. Au dos de chacune de ces blouses étaient inscrits des slogans de sensibilisation lisibles par les clients et par les passants à une distance de 20-25 mètres (si la moto est vide) : "laisse ton voisin voter pour le candidat de son choix" "Allons voter massivement le 28 mars", un canal très original de sensibilisation.
C’est par cette opération fiancée par la Fondation Friedrich Ebert, que le Réseau a lancé ses activités le 1er Mars 1999 à la Bourse du Travail de Cotonou.
Formation des formateurs: Les 08 et 09 Mars 1999, le Centre Africa Obota (CAO) a exécuté son programme de formation des formateurs que sont les animateurs des ONG membres du Réseau. Deux cent personnes ont été formées.
Formation des journalistes animateurs des radios publiques et communautaires: Les 11 et 12 Mars, c’était le tour des journalistes animateurs en langue nationales de bénéficier d’une formation au Droit électoral.
Réalisation de spots télévisuels de sensibilisation
Conférences itinérantes: Une quarantaine d’animateurs ont sillonné une semaine durant les quatre circonscriptions électorales retenues et ont sensibilisé les populations sur le contenu du code électoral.
Semaines de civisme: Au total quatre semaines ont été consacrées à cette activité qui a conduit les animateurs sélectionnés parcourir Bembêrêkê (Borgou) , Pobè (Ouémé), Savè (Zou) et Aplahoué (Mono).
Emissions de sensibilisation sur Radio Parakou
Sensibilisation par cassettes audio: Le Répat a procédé à la duplication et à la distribution d’un album de sensibilisation réalisé par un de ses membre intitulé : " Nous sommes les mêmes " Cet album invite les citoyens à la non-violence en période électorale. Cette cassette était jouée à longueur de journée sur les antennes de radio, dans les restaurants et buvettes ainsi que dans les discothèques et plusieurs autres lieux publics
Réalisation de matériels de formation et de sensibilisation: Des brochures sur la procédure de vote avec bulletin unique et sur l’observation des élections ont été réalisées.
Sensibilisation, observation et décompte parallèle: Plus de 1000 observateurs locaux ont été formés et déployés du Nord au Sud pour sensibiliser les populations (sur le code électoral en général et le bulletin unique en particulier) et pour assurer l’observation et le décompte parallèle des voix. Des points de presse étaient régulièrement faits sur la situation qui prévalait dans divers bureaux de vote sur les antennes des radios et télévisions.
Ayant débuté ses activités, par une conférence de presse qui a eu lieu le jour même du lancement, le Bureau de Liaison a également organisé à la fin une conférence de presse pour rendre compte à l’opinion publique des résultats obtenus.
Malgré les énormes difficultés rencontrées, (difficultés pour obtenir l’accréditation et les badges de la cena, difficultés de fonctionnement du Bureau de liaison resté sans siège faute de moyens de louer un local, difficultés pour joindre les membres du Bureau de Liaison, faible mobilisation des ressources matérielles et financières), le Répat a réussi a exécuter 15 actions sur les 25 initialement prévues dans son programme. Ce fut grâce à l’appui financier de l’Ambassade du Danemark au Bénin, de la Coopération suisse, de la Fondation Konrad Adenauer et de la Fondation Friedrich Ebert.
Ce travail de sensibilisation et d’éducation civique a permis d’obtenir lors de ces élections, un taux de participation avoisinant les 70%, un taux de bulletin nul vraiment négligeable et le plus important qui est que les élections ont pu se dérouler dans la paix et la transparence.