Par ANONRIN Moucharafou, Roi ONOKOYI ABESSAN ALADJASE de Porto-Novo. (Porto Novo, juillet 2008)
Dans la culture traditionnelle au Bénin, l’ordre social est régi par les rois qui ont en charge de régler les différents conflits aussi bien collectifs qu’individuels, afin que règne la paix sociale. Ainsi, même au sein des familles, face aux situations ambigües, il lui est fait recours car on considère qu’il est doté de sagesse et saura faire preuve de justice et d’impartialité.
Ainsi, face au conflit familial qui les opposait, deux familles ont fait recours au roi ONIKOYI ABESSAN ALADJASE, pour servir de médiateur. Le différend qui opposait les deux familles était très ancien et remontait à deux décennies. En effet, il n’a pas pu être résolu car toutes les tentatives de règlement à l’amiable au cours des conseils de famille organisés préalablement se sont révélés vains.
En raison de la possibilité de se référer au jugement du droit moderne, une procédure judiciaire a été engagée. Mais face au non lieu prononcé par le parquet, l’affaire fut donc portée à nouveau devant sa majesté le Roi indiqué plus haut.
Il faut préciser que les nombreux reports qui caractérisent les procédures judiciaires n’ont pas été favorables à la poursuite de l’action en justice par les plaignants qui ont dû recourir à nouveau a sa majesté le roi ONOKOYI ABESSAN ALADJASE qui est dans ce milieu considéré comme le chef suprême.
Les deux chefs de collectivité s’étaient en effet résolus à se présenter devant ce dignitaire de Porto Novo parce que liés par des parents maternels originaires de cette ville. L’une des parties se plaignait de ce que l’autre avait détourné et partiellement détruit des vestiges ancestraux lui appartenant.
Le roi convoqua une assemblée où étaient présents le conseil royal, les deux parties ainsi qu’une entité mystique censée jeter le mauvais sort sur la partie fautive si celle-ci se rend coupable de mensonge. Cette entité est une statue dite fétiche de la vérité.
Le roi, après l’ouverture de la séance, s’absenta et installa la statuette à sa place. Après plus de dix heures de discussions, le roi réapparut aux environs de 23 heures en vue de questionner le fétiche. Tout à coup le représentant de la famille accusée se lance dans un monologue, fait des aveux complets et présente ses excuses ainsi que celles de sa famille à la partie accusatrice. Ainsi, il échappa à la colère des dieux. Il révéla alors les lieux où étaient dissimulés les vestiges dérobés, constitués essentiellement de reliques funéraires et fétiches (appelés en langue locale «assins») ayant une grande importance dans les familles, notamment celles qui sont adeptes du culte pratiqué dans la religion traditionnel du Bénin et dénommé en langue locale «vaudoun»), et de certains vêtements sacrés dérobés lors d’une fête coutumière à Abomey. Ainsi, le roi, imprégné des réalités culturelles endogènes en face desquelles il a mis les différentes parties, a réussi à décrisper la situation et à obtenir un règlement pacifique du différend. C’est dire que les stratégies et méthodes de résolution des problèmes de droit traditionnel ne saurait être appliquées que par des personnes vraiment habilitées à le faire tels que les rois. Il importe donc de leur accorder un statut juridique leur permettant d’exercer leur rôle en toute légalité, en tant que juridiction.
Cette fiche relate un cas vécu de règlement de conflit familial réalisé par la justice traditionnelle incarnée par le roi, alors même que la le pouvoir judiciaire avait échoué. La croyance aux forces mystiques et la crainte que celles-ci inspirent sont des facteurs déterminants dans la résolution des différends par les dignitaires religieux détenteurs de la légitimité traditionnelle.
Les noms des parties ainsi que celui du fétiche n’ont pas été révélés. Selon le roi cela fait partie de la procédure car il faut préserver l’éthique sociale.