Par Aly Bady MAIGA, Ambroise DAKOUO (Gao, février 2009)
Gao est une ville qui est située au Nord du Mali. Elle est le chef lieu de la septième région administrative du pays. Dans la ville de Gao, on rencontre différents groupes ethniques à savoir : les sonrhais, les armas, les peuhls, les bellas, les bambaras ; en plus de ceux ci, il faut également citer les arabes, arabes-kounta qui constituent une population non moins importante dans l’ethnographie locale. Les principales activités de la zone sont l’agriculture, l’élevage et le commerce. La religion dominante dans cette localité demeure l’islam suivi du christianisme et de l’animisme.
Dans la ville de Gao, les chefs de communauté, les chefs religieux, les cadis et les marabouts etc. jouent un rôle important dans la société. Leur implication dans le règlement des litiges permet de maintenir l’équilibre social, la cohésion inter et intra - ethnique.
En 2007 un conflit intra-ethnique a opposé les arabes et arabes-kounta dans la ville de Gao. Les arabes et arabes-kounta appartiennent au meme groupe ethnique. La différenciation entre - eux se fait à travers l’appartenance au clan patriarcal.
Le conflit qui a opposé les arabes et arabes-kounta est né suite au décès d’un membre du clan arabe. En effet l’arabe retrouvé mort avait auparavant effectué une visite chez un membre du clan arabe-kounta et c’est après cette visite qu’il a été retrouvé mort dans un coin de la rue. Ceci a fait naître des suspicions d’assassinat chez les membres du clan arabe et a provoqué ainsi une grande polémique entre les deux clans. Les membres du clan arabe ont décidé de se rendre justice en tuant l’arabe – kounta qui était soupçonné d’avoir assassiné leur confrère. Les investigations des autorités de police n’ont pas permis de déterminer l’auteur du premier assassinat. Ceci a provoqué la colère des membres du clan arabe et les a poussés à assassiner à leur tour l’arabe- kounta supposé être l’assassin de l’arabe. Au grand dam des autorités administratives et judiciaires, ce double meurtre a installé une situation de tension extrême au sein de cette communauté arabe et arabe- kounta.
Au constat de l’évolution du conflit, les chefs de la communauté songhoy et arma appuyés par les chefs religieux, les cadis et les marabouts se sont investis aux côtés des autorités communales et judiciaires en vue de réconcilier les deux parties. Pour atteindre cet objectif, les deux parties ont été entendues séparément afin de connaitre l’auteur du premier assassina et de recueillir leurs exigences. Ces rencontres, ont permis d’identifier deux personnes membres du clan arabe comme les auteurs du meurtre de l’arabe-kounta. Il est également apparu dans les deux camps, le souhait d’un retour de la paix.
Afin de rétablire la cohésion au sein de la communauté, les autorités judiciaires, les chefs de communauté et les religieux se sont investis dans la réconciliation des protagonistes. Cette médiation s‘est faite sur les principes de l’acception et du pardon mutuel indispensable au maintien de l’équilibre social et cher à la tradition arabe. Les religieux, ont recommandé à l’ensemble des protagonistes d’accepter les morts qu’il y a eu comme étant l’œuvre de Dieu et surtout de se pardonner. L’ensemble des acteurs ont fortement recommandé aux membres de la communauté arabe-kounta d’œuvrer afin que de tels évènements ne se reproduisent à l’avenir. L’acceptation des valeurs du pardon et de l’entente sont indispensables au maintien de la paix social et surtout elles sont communes à toutes les communautés locales ont-ils souligné. L’implication des chefs de communauté songhoy et arma suivi des religieux démontre à suffisance l’importance du respect de ces valeurs socio- traditionnelles sur la base desquelles s’est faite la médiation.
Pour parvenir au retour définitif de la paix entre les parties, l’aspect pénal du litige n’a pas été pris en compte par les autorités judiciaires, car chaque camp avait déjà perdu un membre et une condamnation risquerait de ralentir le processus de paix. De commun accord entre les autorités judiciaires et les autorités traditionnelles, les personnes arrêtées ont été relaxées. Par la suite une manifestation célébrant le retour de la paix réunissant l’ensemble des parties, les autorités judiciaires, administratives, les chefs de la communauté songhoy et arma, ainsi que les chefs religieux, les cadis et les marabouts a été organisée mettant définitivement fin au litige.
La référence aux valeurs traditionnelles et l’implication des autorités traditionnelles et administratives locales permettent de résoudre les litiges locaux les plus graves. D’autre part l’absence de règlements juridiques qui définissent clairement les compétences des chefs de communautés en matière de délivrance de justice constitue une faiblesse pour la réussite de leurs interventions. La collaboration des autorités traditionnelles et administratives doit elle même bénéficier d’un cadre légal afin garantir une meilleur justice ancrée dans les valeurs sociales.
Cette fiche est issue de l’entetien réalisé avec Monsieur Aly Bady MAIGA, Représentant de la communauté songhoi de Gao.