Par Ambroise DAKOUO (Kidal, février 2009)
La ville de Kidal, chef lieu de la huitième région administrative du Mali se situe au Nord du Mali. La ville de Kidal comprend une population estimée à 25 000 habitants, pour une superficie de 10 000km2, soit une densité de 3 habitants au km2. Cette population est constituée essentiellement de kel tamacheq, cependant on dénombre également la présence de différents groupes ethniques dont les maures, les sonrhais, les bambaras, etc. La population majoritaire qui sont les kel tamacheq sont réparties en quarante (40) fractions qui sont des groupes identitaires au sein du même groupe ethnique. La principale activité de la zone demeure l’élevage de type transhumant de camelins, de caprins et d’ovins ; toutefois on note que le commerce et l’artisanat se développent de façon satisfaisante. La principale religion dans cette localité est l’islam.
Le cadi de la ville de Kidal est une personnalité centrale dans les mécanismes locaux de gestion des conflits. Il est également reconnu par les autorités administratives et judiciaires de la ville avec lesquels ils collabore au besoin dans le règlement des litiges.
A Kidal, le mode vie des populations est très conflictuel comme d’ailleurs le témoigne les habitants. Cette conflictualité est tributaire d’une part à la compétition qui se fait autour des ressources (points d’eaux, puits, etc.) qui sont indispensables à la pratique de l’activité de l’élevage et d’autre part au conditionnement psycho- anthropologique de l’identitaire.
Si les conflits qui se posent – souvent de part leur complexité - commandent la référence au normes coutumières, il faut également affirmer que la référence au canon musulman (charia- lois islamiques) est également en vigueur et constitue une base non moins négligeable usité par le cadi. En effet, cette norme religieuse a servi de base au règlement d’un conflit au cour de l’année 2007 par le cadi.
Au cours de cette année, deux habitants de la ville, des kel tamacheq se sont affrontés verbalement et se sont même menacés de morts. A l’origine de cet affrontement se situe le fait que l’un des protagonistes entretenait des relations amoureuses avec la femme du second et prévoyait de la mariée. Le premier mari de la femme ne voyant pas cela d’un bon œil et n’ayant pas parvenu à mettre fin à cette relation porta l’affaire au tribunal. Quand au juge, il renvoya l’affaire chez le cadi car le plaignant en question n’ était pas officiellement marié à son épouse du moment où il ne détenait d’acte de mariage, le mariage étant célébrer de façon religieuse.
Quant au cadi, suivant sa méthode qui consiste à mener des investigations avant de trancher tout cas de litige à pu déterminer l’ensemble des faits indispensables pour le règlement de ce litige.
Il s’est avéré suite à ses investigations que le mari en question avait répudié son épouse trois fois de suite. Ainsi donc, il a fait savoir à ce dernier qu’il n’avait aucun droit sur son épouse et que par conséquent elle pouvait choisir avec qui elle décidait de vivre. En effet, sur la base du canon musulman à parti duquel le cadi a rendu son jugement, cette loi stipule que dès lors que le mari répudie trois fois de suite son épouse cela vaut valablement lieu d’un divorce ; ce qui signifie que le plaignant est bel et bien divorcé de son épouse. N’ignorant pas cette loi et reconnaissant l’effectivité de la triple répudiation le plaignant abandonna son action en justice ; où d’ailleurs le juge avait reconnu de façon valable le jugement rendu par le cadi.
Quand le règlement des litiges est basé sur les coutumes locaux, cela permet de ramener le plus souvent la paix et le respect des décisions par les différentes parties. Le cadi de Kidal est une personnalité dont la droiture est reconnue de tous les habitants dans le règlement des litiges. Par ailleurs, il bénéficie d’une grande connaissance des coutumes locales lui permettant d’intervenir dans les conflits. Il est aussi très sollicité par les autorités judiciaires avec lesquels il collabore de façon officielle.
En réalité, on observe aisément à Kidal une grande activité judiciaire au niveau des instances religieuses au détriment de la justice moderne. Ceci pose la problématique de l’efficacité de la justice moderne en milieux nomades qui est par ailleurs fortement islamisé. Au Mali, les lois républicaines n’autorisent pas la référence au droit musulman « charia » pour la résolution des conflits, il faut avouer que cette pratique s’est beaucoup développée dans la ville Kidal où d’ailleurs les populations respectent plus aux décisions issues des autorités religieuses que celles issues des autorités de la justice moderne.
Cette fiche est issue de l’entretien réalisé avec Monsieur Ahmed Ould BAANA, cadi de Kidal.