Par Ambroise DAKOUO (Kidal, février 2009)
Dès son accession à l’indépendance en 1960, le Mali hérite d’un territoire vaste de plus 1 240 000 km2. Le territoire lui même est habité par une plusieurs ethnies dont, les particularités se situent tant sur la géographie des espaces qu’ils occupent que sur leurs modes de vie ou de production ( sédentaires/ nomades). La difficile maîtrise territoriale par l’Etat, ajouter aux difficultés géo- climatiques des régions du Nord, convaincs les groupes ethniques touareg d’un désintéressement de l’Etat à leur cause. Cette frustration se transforme en une crise politique. Les insurgés touareg (rebels) réclament des politiques plus ambitieuses pour le développement des régions du grand Nord : Tombouctou, Gao, Kidal.
La ville de Kidal, chef lieu de la huitième région administrative du Mali à l’instar d’autres localités du Nord a été le lieu de ces rébellions armées. Cette ville comprend une population estimée à 25 000 habitants, pour une superficie de 10 000km2, soit une densité de 3 habitants au km2. Cette population est constituée essentiellement de kel tamacheq, cependant on dénombre également la présence de différents groupes ethniques dont les maures, les sonrhays, les bambaras, etc. La population majoritaire à savoir les kel tamacheq est répartie en quarante (40) fractions qui sont un ensemble de tribus. La principale activité de la zone demeure l’élevage de type transhumant de camelins, de caprins et d’ovins ; toutefois on note que le commerce et l’artisanat s’y développent de façon satisfaisante. La principale religion dans cette localité est l’islam.
La seconde rébellion dont nous faisons cas ici, à débuté au cours de l’année 1990. Celle– ci a revêtu une double caractéristique : d’une part, la représentation touarègue est éclatée en plusieurs mouvements antagonistes et, d’autre part, une milice apparaît au sein de l’armée malienne, le Ganda Koye, celle des véritables propriétaires de la terre, défendant les intérêts des populations noires (Songhaïs et Peuls) et qui donnera au conflit des allures de guerre civile : opposition sédentaires - nomades.
Face à cette rébellion, l’implication des acteurs traditionnels de la localité de Kidal : (chefs de villages, chefs de fractions, chefs de communauté, cadis,) restée souvent invisible a pourtant été d’une importance capitale dans l’aboutissement des accords et dans la réconciliation des groupes ethniques. En effet, les acteurs traditionnels afin de parvenir à la cessation des hostilités dans une crise transformée en un conflit inter- ethnique, ont sillonné les lieux de casernement des insurgés touaregs. Les rencontres qui se sont tenues entre les acteurs traditionnels et les insurgés, ont été le lieux de dialogues francs et constructifs ; permettant par ailleurs de faire remonter au niveau de l’Etat les positions raisonnées de ces derniers. L’implication des acteurs traditionnels, sur la base des liens fractionnels et surtout ethnique a permis de convaincre les insurgés à participer aux négociations. Le collectif des acteurs traditionnels investis dans la médiation a basé son intervention sur les valeurs ethniques (tamacheks) et religieuses, qui justement recommandent la culture de la paix et le respect de la vie humaine. En réalité le dialogue comme modalité d’échange, appuyer par la représentation sociale que se font les populations des acteurs traditionnels demeure une base sûr de médiation. Ainsi donc « la médiation de l’informelle » réalisée par les acteurs traditionnels a permis d’amener les insurgés et l’ensemble des protagonistes impliqués à l’acceptation et à la participation au processus de paix . C’est ce qui à alors permis la tenue des rencontres qui ont abouti à la fin du conflit et l’avènement de la flamme de la paix.
Partant, une médiation algérienne réussira donc, en 1992, alors que le Mali est en pleine phase de transition démocratique, à imposer un pacte national. Quatre ans plus tard, il est organisée à Tombouctou le 27 mars 1996, la cérémonie de la « Flamme de la paix » ; qui consume les armes des différentes organisations rebelles. Ce qui permet également la dissolution du mouvement Ganda Koye.
L’implication des traditionnels permet de décristalliser les positions des protagonistes, ce qui a été possible ici entre d’autre part l’Etat et d’une part les insurgés. Au Mali, l’implication des acteurs traditionnels comme médiateurs dans les conflits constitue un paramètre important afin d’aboutir à des solutions consensuelles. Cependant, il faut affirmer que l’absence de cadre juridique au niveau national qui réglemente leur intervention pourrait constituer un handicap à l’efficacité de leur action. Partant, il convient de consolider le rôle de ces acteurs traditionnels afin de leur permettre plus de dynamique et de légitimité dans leur intervention.
Cette fiche est issue de l’entretien avec Monsieur Mohamed Ag ILJIMIETTE.