Gestion d’un conflit relatif au remboursement des frais de mariage entre un couple par le président des griots de Kita.

Kita est un cercle de Kayes, capitale administrative de la 1ème région du Mali. Les ethnies qui y vivent sont : les Malinkés, les Peulhs, les Sarakolés, les Sénoufos, les Minyankas, les Samogos, les Bwas, les Bambaras, etc. les activités menées dans cette localité sont entre autres : l’agriculture, l’élevage, le commerce, le maraîchage, etc. les populations restent attachées aux culturelles ancestrales.

En 2006, un cousin avait épousé une cousine en mariage arrangé. Rappelons que le mariage arrangé est une pratique culturelle qui consiste à marier les filles nubiles et les garçons en âge de mariage constitués essentiellement de cousins et de cousines croisés d’une famille élargie. Après quelques mois de vie conjugale, le mari a soupçonné que sa femme lui était infidèle. Après avoir lui donner beaucoup de conseils, elle continua avec son comportement frivole.

Finalement, il a décidé de divorcer d’avec elle. Du coup, il lui a renvoyé chez ses parents. En plus de cela, les parents du mari ont réclamé le remboursement total des frais dépensés à l’occasion du mariage, estimés à 125000F. Les parents de la dame se sont opposés à cette idée. Une vive tension s’était installée entre les deux familles.

Le père du mari a saisi le président des griots de Kita pour lui exposer le problème. Ce dernier a comme fonction principale entre autres : la médiation entre les hommes, il est chargé de trancher les différends sur la base de la stricte vérité. Il rend compte au juge des décisions issues des différentes médiations entre les hommes dans la ville. Il est le représentant et porte parole des griots.

Le chef des griots a convoqué les parents des deux parties en conflit dans son vestibule. Il était assisté par les représentants des trois grandes familles de griots de Kita ainsi que des notables. Il a d’abord écouté les deux parties en conflit. Selon les parents du mari, ils sont en droit d’obtenir un remboursement des frais de mariages y compris la dote car, la cause du divorce émane de la dame. A ces propos, les parents de la dame ont réagi en disant qu’après un an de mariage, que leur fille a dû travailler dur pour le mari. Par conséquent, les frais de mariage réclamés et les travaux abattus par leur fille dans le foyer conjugal se compensent.

Après ces interventions, le président des griots a donné la parole aux représentants des trois familles de griots. Ces derniers ont clairement signifié qu’il n’est pas question de rembourser quoi que se soit. Ils ont tranché le litige suivant les règles coutumières. Selon ces règles, quand un homme décide de divorcer d’avec sa femme quelque soit le motif du divorce, il doit non seulement renoncer aux frais du mariage y compris la dote mais il doit également lui remettre tout ce dont elle a touché dans la chambre. Les enfants issus du mariage reviennent de droit à l’homme. Dans le cas des nourrissons, ils restent avec la femme jusqu’à ce qu’ils aient un âge minimum de 5 ans avant de rejoindre leur père. Dans ce cas précis, le mari restitue à la femme divorcée le « prix du lait maternel », c’est à dire une somme symbolique correspondant à la valeur du lait tété par l’enfant jusqu’au sevrage. Cette somme est estimée à un bœuf à Kita.

Le président des griots, prenant la parole, a abondé dans le même sens que les représentants des griots. Il a clairement demandé aux parents de l’homme de renoncer à la restitution des frais de mariage afin de mettre fin à ce litige.

A la lumière de ce qui a été dit par le chef des griots et les représentants des trois grandes familles de griots de Kita , le père du mari qui réclamait les frais de mariage, conscient que l’application de ces mesures pouvait lui coûter plus cher, a renoncé publiquement à sa doléance. C’est ainsi que les deux parties ont convenu de mettre fin à ce conflit.

Le conflit a été définitivement résolu sur la base d’un consensus.

Commentaires

Au Mali, se sont les règles coutumières qui sont privilégiées lorsqu’il s’agit des cas de divorce. Il apparaît que le code de mariage ne prévoit nullement cette disposition. Le fait que les communautés saisissent les griots en matière de résolution des conflits de divorce est très significatif. Dans la société malienne, les griots sont des médiateurs. Ils sont les gardiens de la tradition et la mémoire collective. A ce titre, ils bénéficient d’une légitimité au sein de la société. Leurs décisions de médiation peuvent être homologuées ou non par le juge.

Notes

Cette fiche est issue de l’entretien réalisé avec Monsieur Kabinè Kouyaté, conseiller au président des griots à Kita. La supervision a été assurée par Monsieur Djibonding DEMBELE (Correspondant thématique) et par Madame Néné KONATE (Médiatrice de l’ARGA/ Mali).

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